ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Caroline Laberge
Aborder un sujet à la fois aussi tragique et avare de détails nécessitait un angle original, une façon d’élaborer ou de spéculer sur l’histoire de cette femme qui était la première à être condamnée aux flammes pour ses écrits.
La pièce est divisée en trois tableaux et commence avec une chorégraphie de Louise Lecavalier, grande dame de la danse contemporaine au Québec. Elle nous transmet le silence et le refus de Porete de répondre aux questions qui lui sont posées pendant son procès, sa sérénité obstinée, et son corps est, tout à tour, une marionnette désarticulée, une hélice, et non pas une marguerite, mais un pistil de pissenlit agité par le vent, qui finit par être arraché de sa fleur et qui s’envole.
Le deuxième tableau propose du jamais vu; cinq femmes dont le prénom est Marguerite, et qui ont chacune à leur manière marqué l’histoire – De Navarre, Duras, etc – prendront chacune à leur tour la parole pour parler de leur relation au livre de Porete, de leurs impressions et du sentiment de solidarité qu’elles éprouvent envers l’auteure disparue.
Par un ingénieux processus technologique, l’actrice qui incarne les cinq Marguerite – selon la soirée, il peut s’agir de Céline Bonnier ou d’Évelyne Rompré – voit son visage projeté sur un visage géant, qui prend vie et monologue, s’adressant parfois aux autres figures historiques, intervenant ici et là.
Ce segment, qui suscite tout d’abord chez le spectateur un certain émerveillement, finit par se déployer avec tellement de parcimonie que notre attention vacille par moments. Les longs soliloques sont parfois murmurés, ce qui accentue, certes, l’intimité du processus, mais dans une salle remplie de quintes de toux et de gens qui se tortillent d’impatience sur leur chaise, on en perd parfois le sens.
Ce qui nous amène à nous demander si la prouesse technologique est suffisante pour captiver l’auditoire, ou s’il n’aurait pas fallu ajouter des éléments pour en briser la monotonie. En ce sens, le troisième tableau agit comme un sceau d’eau froide – si la pièce était une chanson hip-hop, Sophie Desmarais serait clairement le featuring survolté d’un Eminem ou d’un Twista. Son débit coule à la même vitesse que les pensées qui se bousculent dans sa tête, alors qu’elle vient d’acheter Le Miroir des âmes simples et anéanties dans une librairie de seconde main, et qu’elle se surprend à ressentir de l’apathie de la part des gens qui l’entourent sur un quai du métro de Montréal.
Son énergie est contagieuse et sa psychose verbale, couplée à la musique frénétique d’Ana Sokolovic, mettent enfin en contraste la vision exaltée de Porete et le monde moderne, deux entités qui peuvent paraître inconciliables.
C’est là qu’une véritable réflexion sur la pertinence de son œuvre à notre époque est amorcée, mais elle se termine aussi abruptement qu’elle a commencé. Trop peu, trop tard.
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Par Caroline Laberge
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