ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Maxime Côté
Ce texte de la Montréalaise d’adoption Erin Shields, traduit par Maryse Warda, est d’ailleurs disponible dans les deux langues, interprété en français par Marie-Ève Milot, et en anglais par Laurence Dauphinais. Une démarche aussi inusitée que le lieu choisi pour présenter ce «thriller immersif» à une vingtaine de personnes chaque soir.
Le mystère débute dès notre entrée dans le bâtiment, alors qu’on nous remet une clé et une petite lampe de poche que nous ne devons utiliser qu’en cas d’urgence. On nous précise aussi que les gens souffrant de claustrophobie ou ayant peur du noir risquent de ressentir «un léger inconfort». Le nombre de spectateurs est parfait, la proximité avec l’actrice est troublante, et la sensation d’entrer dans l’intimité de la protagoniste est immédiate.
L’héroïne de la pièce, une jeune femme dont les finances se sont déjà mieux portées, visite en pleine nuit l’endroit où elle loue un entrepôt pour ses possessions, dont elle veut faire un survol avant de s’en débarrasser. Elle sera happée par ses souvenirs, plongée dans un vortex d’instants de son passé, victime de visions qu’elle imagine probablement, mais en est-elle certaine?
Est-il vrai qu’à l’article de la mort on voit le film de notre vie défiler? Si c’est le cas, cette performance immersive se rapproche drôlement de cette expérience. En concoctant un mélange onirique entre le théâtre et une maison hantée, Geneviève L. Blais tire pleinement profit de l’environnement atypique dans lequel est transposée sa mise en scène. Habituée aux performances in situ, elle nous propose de sortir de notre zone de confort, de confronter nos peurs et d’être laissés à nous-mêmes en compagnie du récit, comme si une voix omnisciente nous habitait.
Les souvenirs qui nous sont racontés, presque murmurés dans le creux de l’oreille, où le désir côtoie fréquemment le dégoût, sont fortement évocateurs, et trouveront écho dans notre propre vécu. L’immersion est réussie, et l’environnement sonore de Symon Henry, froid et inquiétant, cadre parfaitement avec ces casiers de métal et l’écho des talons qui claquent sur le ciment des couloirs où l’on se perd.
À mesure que Marie-Ève Milot – dans la version à laquelle nous avons assisté – nous raconte ces moments associés aux petits traumatismes de son quotidien, on interroge le rapport entre les objets et les souvenirs qu’on y associe, et ce matérialisme obscène et presque fétichiste qui motive bien souvent notre vie.
Il est difficile d’en tirer une leçon définitive, mais du théâtre qui nous fait réfléchir et qui nous propose une expérience audacieuse et originale, c’est déjà beaucoup.
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Par Maxime Côté
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