«Live Stream Arielle F» de Simon Senn en spectacle virtuel lors du Carrefour international de théâtre – Bible urbaine

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«Live Stream Arielle F» de Simon Senn en spectacle virtuel lors du Carrefour international de théâtre

«Live Stream Arielle F» de Simon Senn en spectacle virtuel lors du Carrefour international de théâtre

Revêtir une peau pour y loger son corps

Publié le 9 juin 2021 par Athéna Whitton-Clément

Crédit photo : Elisa Larvego

Pandémie oblige, le théâtre s’est allié au monde virtuel et a su se moduler pour parvenir à nos écrans. Pour Simon Senn, cela s’est fait naturellement. L’artiste suisse avait auparavant monté un spectacle intitulé Be Arielle F, initialement basé sur la virtualité – et plus précisément sur le fait d’incarner l’avatar d’une femme qui existe en chair et en os. Le spectacle auquel nous avons assisté par écran interposé en est une adaptation.

Un amas de membres s’affiche devant nous à la manière d’une pile de vêtements en désordre. Par cette image débute le récit de Simon Senn, prêt à nous partager son expérience à la fois artistique et humaine.

Ce qui constituait avant tout une démarche axée sur la technologie s’est finalement développé de manière inattendue, exposant l’artiste à de multiples questions épineuses. Du commerce d’un corps virtuel à la rencontre d’un nouveau soi à travers l’autre, le spectacle-performance ouvre une vaste réflexion allant de l’éthique à l’ambiguïté du genre.

Du théâtre vivant aux corps virtuels

Les enjeux d’une prestation directe sur écran ne sont vraisemblablement pas les mêmes que lors d’une représentation sur une scène théâtrale. Somme toute, la performance est bien montée. Malgré le cadre imposé par l’installation technologique et l’espace inévitablement réduit, tout effet statique est évité et on oublie vite les contraintes visuelles. Le médium exploité est justifié, et l’artiste s’avère suffisamment habile pour nous faire progresser dans son récit.

Simon Senn nous parle de chez lui, tantôt assis, tantôt debout, pour revêtir ses capteurs de mouvements. L’ensemble est fluide, malgré le décalage entre le son et le mouvement des lèvres. Sans problème de définition ou de connexion, nous observons le visage de l’artiste se métamorphoser sous des traits féminins, captivé.es par le naturel troublant de la chose pourtant artificielle.

Enquête avant utilisation

L’un des passages les plus intéressants traite des multiples interrogations du performeur quant à son achat d’une réplique 3D du corps d’une femme, celle que l’on nomme Arielle. Quel usage peut-on ou ne peut-on en faire? La fin est artistique, mais les moyens ont besoin d’être balisés. Sans aborder le cadre juridique ou les droits de la personne, Simon Senn nous fait bien comprendre qu’un flou réside dans l’usage d’une telle possession.

Il faut toutefois préserver l’anonymat de la personne scannée dans son intégralité. À cet effet, le cheminement de l’artiste lui aura permis de pousser plus loin son expérience d’incarnation virtuelle.

Habiter un corps de femme et se sentir révélé à soi jamais comme avant constitue finalement le point d’orgue de ce spectacle.

Dysmorphie Snapchat

Avant, la tendance était de vouloir ressembler aux célébrités. Certaines personnes souhaitent maintenant se faire opérer pour correspondre à un selfie souvent filtré, qu’elles considèrent comme une version améliorée d’elles-mêmes.

Sans pour autant désirer une chirurgie esthétique ou même remettre en question son identité sexuelle, Simon Senn aura fait appel à une psychologue afin de lui parler de son expérience et de cette légèreté qu’il a pu trouver en habitant virtuellement le corps d’une femme. C’est un apport judicieux que de nous avoir retransmis les propos de la psychologue, cependant, nous perdons trop de mots et manquons le témoignage de cette rencontre.

Cette fois, de manière plus directe, nous rencontrons celle qui a choisi de prêter son corps à quiconque. L’expérience de l’artiste s’ouvre sur celle d’Arielle, qui l’aura involontairement marqué à vie.

Les questions sont d’abord vives, franches entre ces deux êtres humains qui ne se connaissant pas et puis, une sorte de relation se met en place, donnant lieu à des échanges plus complices. Simon Senn poursuit son récit et son sourire s’élargit sous un rouge à lèvres éclatant.

Partager une expérience intime hors norme

Cette performance donne lieu à une réflexion à la fois sensible et éthique. L’ensemble est bref, mais il se complète systématiquement par une discussion avec le public, ce qui profite au contenu.

Ce que l’on voit est surprenant et fascinant, mais nous aimerions entendre davantage des impressions et ressentis de Simon Senn quant à l’impact de ce qu’il estime urgent et important de partager.

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