Théâtre
Crédit photo : Gracieuseté ESPACE GO
Mais, alors qu’Ovide a finalement cru bon de laisser les amourettes et les traités galants comme l’Art d’aimer pour se consacrer à des domaines plus «sérieux», Evelyne de la Chenelière a continué à demeurer fidèle à la cause amoureuse avec ses œuvres les plus marquantes, comme Henri et Margaux (2002) ou La chair et autres fragments de l’amour (2011).
Depuis plus d’une décennie, elle permet aussi d’entrevoir, avec Daniel Brière, son conjoint et père de ses enfants, un des plus beaux modèles de complicité artistique, en partageant avec lui le jeu et la mise en scène de plusieurs de ses créations. Paradoxalement, le discours amoureux de la Chenelière en révèle avant tout, avec une justesse parfois dure, la fébrilité ou l’amertume. S’y est ajouté aussi, avec le temps, un regard acide jeté sur la famille unie idyllique, notamment avec Le Plan américain (2009).
À ESPACE GO, ce mois-ci, cette lutte contre la résignation reposera sur les épaules de Macha Limonchik sous la forme d’un monologue épistolaire. Un choix bien réfléchi, sans doute, puisque l’actrice à déjà démontré ses talents à donner chair aux mots d’Evelyne de la Chenelière, en 2002, dans Des Fraises en janvier. Mais au moment d’exprimer le sentiment de se trouver soudain coupée du monde, elle sera loin d’être seule.
Les mots trouveront leur écho dans l’élan au cœur du vide de l’acrobate Anthony Weiss, alors muni de sangles aériennes et dans les deux voix du trio électro-folk québécois Dear Criminals. Même la directrice artistique d’ESPACE GO, Ginette Noiseux, qui, depuis les années 70, est ouvertement impliquée dans le combat des femmes et la démarche féministe, viendra prêter main-forte en y contribuant directement aux costumes.
Le choix d’une approche aussi moderne et éclatée de cette éternelle détresse n’étonne pas de la part du metteur en scène David Bobée, qui est revenu trois fois de France dans les trois dernières années, mêler la voltige des mots à celle des acrobaties physiques. Nommé en 2013, à la direction du Centre dramatique national de Haute-Normandie, il contribuera sans doute au rayonnement des Lettres d’amour sur sa terre d’origine, puisqu’après le 7 mai, il amènera avec lui les interprètes en tournée, à Rouen pour les mois qui suivront.