ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Maxim Paré-Fortin
L’amour est au centre de ce récit qui nous présente Petra von Kant (Anne-Marie Cadieux), une designer de mode de Berlin qui flotte sur une vague de popularité et qui est plutôt uniformément condescendante envers son entourage. Elle disperse son temps et son amour avec parcimonie, voit peu ses amies, intimide sa domestique et a confié sa fille à une école privée, qui se trouve le plus loin possible de son domicile. Lorsqu’elle rencontre Karin (Sophie Cadieux), une jeune fille très libertine, elle ressent un coup de foudre qui s’avérera unilatéral et qui la plongera dans un profond désespoir.
Félix-Antoine Boutin, qui signe avec beaucoup de panache la mise en scène, entreprend ces derniers temps un virage «répertoire» qui lui sourit. Après une saisissante adaptation de Bergman (Fanny & Alexandre, présenté en janvier dernier au Théâtre Denise-Pelletier), le voici qui s’attaque à Fassbinder, en respectant énormément l’esprit – et l’époque! – de l’œuvre originale.
L’opulente scénographie, signée Odile Gamache, fait écho aux appartements kitsch typiques des films européens de l’époque: généreux tapis, murs bourgogne, avec une immense reproduction de Gauguin qui trône au salon. Un théâtre rêvé pour accueillir les multiples sautes d’humeur d’Anne-Marie Cadieux, qui est carrément prodigieuse pour incarner l’hystérie dans sa forme la plus pure.
Dansant avec enthousiasme au son d’une chanson euro-disco qui fait sourire, enfilant une série de costumes flamboyants conçus par Elen Ewing, puis profondément amère devant les petites trahisons de sa jeune amante, elle nous offre un tour de manège riche en émotions, une interprétation magistrale.
Prise à son propre jeu cruel, victime du karma, profondément enfoncée dans sa détresse amoureuse, Petra brûle les quelques ponts encore intacts entre elle et ses proches, se donne en spectacle devant sa famille, et conséquemment devant nous.
Les mots intemporels de Rainer Werner Fassbinder, ici adaptés par Gabriel Plante, résonnent encore avec force de nos jours, une force décuplée par l’attention au détail de Boutin, et la vivacité complice de ses interprètes.
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Par Maxim Paré-Fortin
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