Théâtre
Les chemins qui marchent, deuxième volet de la trilogie d’Alexis Martin et Daniel Brière portant sur L’histoire révélée du Canada français, nous propose une rencontre colorée et humoristique avec pas moins de 400 ans d’histoire. Ce voyage nous fait parcourir nos «chemins qui marchent», nom donné aux rivières par le peuple innu, et nous transporte du St-Laurent à la St-Maurice, de la Manicouagan jusqu’au Mississipi, en passant par le barrage Daniel-Johnson et la station d’épuration des eaux de Montréal.
Le défi était de taille, pour l’auteur et le metteur en scène de cette grande fresque épique, de présenter 400 ans d’histoire avec profondeur et justesse. C’est donc plutôt sous l’angle de la comédie que les quelques cinquante personnages (interprétés par huit comédiens maîtrisant l’art de changer de costumes à vitesse grand V) prennent vie sur scène. Les transitions cocasses, la mise en scène sans prétention et le texte plutôt sérieux joué de manière burlesque arrivent à transformer notre mémoire collective, ou à tout le moins ce qu’il en reste, en un univers satirique où nous rions pourtant de bon cœur. Mais si le dessein de cette trilogie visait à raviver notre mémoire endormie, y arrive-t-elle réellement en remâchant notre histoire à la façon d’une Petite Vie s’étalant sur quatre siècles, se moquant de nos travers et nos croyances? Derrière cette autodérision franchement québécoise, nous sentons un malaise, une tristesse innommable, celle de ne savoir exister que maladroitement, dénués que nous sommes de la confiance nécessaire à nous prendre au sérieux.
Les chemins qui marchent est toutefois du bon divertissement contenant des trouvailles savoureuses, et nous offre également du très beau théâtre physique, porté par des comédiens n’ayant crainte de se mouiller, littéralement. François Papineau s’y démarque, grand maître du jeu assurant presque à lui seul le spectacle de ce théâtre musical. Doit-on d’ailleurs parler de comédie musicale? Car l’on y pousse la chansonnette sans réserve, parfois au détriment du fil conducteur qui nous échappe.
Parmi les trouvailles, une scène versatile où chaque univers prend forme et se succède naturellement, qu’il s’agisse d’une cabane en plein bois, d’une usine de filtration des eaux ou d’un navire pris au cœur d’une tempête puis s’échouant près de l’Île d’Anticosti. Un chapitre particulièrement réussi! Notons également, idée brillante et incontournable, les bassins d’eau qui encerclent la scène, faisant des «chemins qui marchent» un personnage à part entière, complice à la fois du bien et du mal, parfois calme puis déchaîné, témoin des amours, des découvertes, du dur labeur et de la résignation des draveurs.
De beaux tableaux de notre histoire, efficaces et hilarants, que l’on aurait toutefois souhaités plus denses et assumés, sans ce malaise et cette maladresse qui nous font rentrer la tête dans les épaules et baisser les yeux.
Les chemins qui marchent
Jusqu’au 28 mars 2013 @ Espace Libre
http://www.espacelibre.qc.ca
Appréciation: ***
Crédit photo: Gilbert Duclos
Écrit par: Annie Lafrenière