«Les champs pétrolifères» au Théâtre ESPACE GO – Bible urbaine

ThéâtreCritiques de théâtre

«Les champs pétrolifères» au Théâtre ESPACE GO

«Les champs pétrolifères» au Théâtre ESPACE GO

La famille dysfonctionnelle parodiée et analysée

Publié le 22 novembre 2013 par Camille Masbourian

Crédit photo : ESPACE GO

Une typique famille de banlieue voit sa tranquille existence bouleversée par l’arrivée d’une intrigante jeune fille de la ville. Entre un fils en guerre contre ses parents, une mère coincée et amère et un père qui n’a visiblement pas d’autres loisirs dans la vie que d’épier ses voisins, quelle est la place de la jeune fugueuse dans cette maison?

Ceux qui espéraient obtenir une réponse en voyant la pièce seront déçus. D’ailleurs, tout semble flou et un peu abstrait dans cette histoire. Qui sont ces personnages? On apprend leurs prénoms vers le milieu de la pièce, on ne connait ni leur âge, ni leur histoire, on ne sait pas comment ils en sont venus à être ce qu’ils veulent bien nous montrer.

Peu de positif, donc, dans cette histoire et ces personnages qui sont tous plus caricaturaux les uns des autres. Une mère snob et contrôlante, exaspérée de son mari voyeur et plutôt beige, et de son grand Tanguy de fils un peu nono, un père plus excité par ce qu’il se passe (ou pas) chez les voisins et surtout chez la fille des voisins, et un fils qui semble avoir trente ans et qui ne fait pas grand-chose d’autre que de rester couché sur le sofa du salon, habillé de sa combinaison de moto.

Oui, cette technique, largement exploitée, peut être utilisée dans le but de faire une critique d’un certain mode de vie. Par contre, dans Les champs pétrolifères, on ne comprend pas exactement ce que veut dire l’auteur. Une critique de la banlieue, le rapport amour-haine qu’ont les gens de la banlieue avec la grande ville, cette peur de l’autre, oui, un peu de tout cela. Mais chacun peut facilement faire sa propre analyse.

Et l’arrivée de Blanche, jeune fille de la ville ne fait qu’accentuer cette incompréhension. Pourquoi le père et le fils sont-ils aussi fascinés par elle? Pourquoi la mère commence par vouloir la mettre dehors de la maison avant de finalement la transformer en parfaite petite fille bourgeoise? Pourquoi cette jeune rebelle de la rue accepte tous ces changements et devient la typique adolescente gâtée pourrie par des parents qui préfèrent acheter la paix avec des cellulaires et autres cadeaux plutôt que de passer du temps avec leurs enfants. Et que dire de la scène finale qui laisse voir à la fois toute l’ambigüité et le caractère malsain des relations entretenues entre les membres de cette famille plus que dysfonctionnelle.

Heureusement que la pièce est soutenue par quatre acteurs de talent. Si le jeu des deux hommes (Guillaume Cyr et Jacques Girard) était un peu inégal et semblait parfois plus récité que réellement interprété, il n’y a rien à redire sur celui des femmes (Annette Garant et Marilyn Castonguay). Quant à la mise en scène de Patrice Dubois, elle ne convainc pas non plus.

La pièce est découpée en plusieurs tableaux n’ayant pas toujours de lien avec le précédent, ce qui n’aide pas à la compréhension. D’ailleurs, chaque action est interrompue par un noir accompagné de musique très forte, créant un fort contraste avec le spectacle qui se joue devant nous. De quoi sursauter quelques fois. Par contre, quelle excellente idée que de faire entrer les spectateurs par le garage de la maison et devoir passer sur la scène (la salle à manger à ce moment-là) pour se rendre à leur place.

Au final, c’est malheureusement le texte qui semble causer le plus de problèmes. La pièce est supposée mettre en scène une typique famille de banlieue, mais à entendre la façon dont s’expriment les personnages, on se demande s’ils ne viennent pas plutôt d’Outremont. Et quel rapport avec les champs pétrolifères, mis à part l’obsession de la mère pour le prix du pétrole? Dommage pour ce texte de Guillaume Lagarde, qui avait pourtant reçu une mention spéciale au prix Gratien-Gélinas 2012.

Le Théâtre PàP (Petit à petit), en résidence à l’ESPACE GO, s’est donné comme mission de faire émerger des nouveaux talents et de donner à de jeunes auteurs une tribune qu’ils n’auraient peut-être pas ailleurs. Cela permet notamment d’essayer différentes choses et de sortir des sentiers battus, ce qui n’est pas une mauvaise chose. D’ailleurs, les pièces du PàP sont excellentes la plupart du temps. Malheureusement, Les champs pétrolifères était peut-être juste un peu trop en dehors des sentiers battus.

Les champs pétrolifères est présentée au Théâtre ESPACE GO jusqu’au 14 décembre. Pour plus d’information, consultez le www.espacego.com.

L'avis


de la rédaction

Vos commentaires

Revenir au début