«L’entrevue éclair avec…» Hilaire Saint-Laurent et Élisabeth Coulon-Lafleur de ROYALMANIA – Bible urbaine

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«L’entrevue éclair avec…» Hilaire Saint-Laurent et Élisabeth Coulon-Lafleur de ROYALMANIA

«L’entrevue éclair avec…» Hilaire Saint-Laurent et Élisabeth Coulon-Lafleur de ROYALMANIA

Découvrez un festival de lutte-théâtre unique au Théâtre Aux Écuries

Publié le 7 septembre 2022 par Mathilde Recly

Crédit photo : Najim Chaoui

Dans le cadre de «L’entrevue éclair avec…», Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur sa personne, sur son parcours professionnel, ses inspirations, et bien sûr l’œuvre qu’il révèle au grand public. Aujourd’hui, on a jasé avec Hilaire Saint-Laurent et Élisabeth Coulon-Lafleur qui sont derrière deux pièces présentées à ROYALMANIA, un festival de lutte-théâtre qui se tient au Théâtre Aux Écuries du 6 au 24 septembre prochains. Immersion dans leurs inspirations, leurs univers et leur passion commune pour la lutte... et le théâtre, évidemment!

Élisabeth, Hilaire, nous sommes ravis de faire votre connaissance! Vous qui participez tous deux au festival ROYALMANIA, on est curieux de savoir : d’où vous est venue la fascination pour la lutte, et pourquoi l’avez-vous intégrée à vos approches et créations artistiques?

E.C-L. «C’est une fascination transmise par un ex-passionné. Un RoyalRumble et quelques ailes de poulet plus tard, et j’étais tombée dedans comme Obélix dans la potion magique! En parallèle, je finissais mon bac à l’UQAM et j’ai réalisé que les comédien·ne·s avec qui j’étudiais avaient eux aussi eu la piqûre.»

«C’est dans le cadre d’un cours qui appelait à une réécriture d’une tragédie classique que le projet a commencé. Les liens entre Shakespeare et l’art de la lutte sont tellement nombreux que ça nous est apparu comme une évidence. Finalement, ce qui ne devait être qu’un exercice étudiant est devenu une grande aventure de plus de 3 ans!»

H. S-L. «Ma passion pour la lutte est assez récente. En dernière année à l’École nationale de théâtre du Canada en 2015, nous avons organisé un gala de lutte dans le gymnase de l’école. Ça a été une grande révélation. J’y ai vu dans cette pratique étrange une immense théâtralité. Mais plus encore, j’y ai perçu une corrélation franche entre les codes de la tragédie grecque et ceux de la lutte. Les commentateurs donnent leur opinion comme un chœur, les entrées des personnages ressemblent aux entrées cérémoniales des tragédiens, les longues prises de parole des lutteurs équivalent aux tirades en vers, etc. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à creuser dans la fusion de ces deux univers.»

Élisabeth, tu as assuré la mise en scène de Dick the Turd, une réécriture libre de Richard III de Shakespeare qui sera jouée à ROYALMANIA. L’histoire est simple: lors du gala England Mania, on assiste à la montée et à la chute de Dick the Turd, «le lutteur le plus vil et assoiffé de pouvoir de la Fédération Féodale de lutte». Comment la pièce du célèbre dramaturge anglais a-t-elle servi de point de départ pour créer ce spectacle rythmé par des trahisons, des pièges, des fourberies et des coups bas?

E.C-L. «Comme je disais, il y a beaucoup d’éléments qui recoupent la lutte et Shakespeare: l’aspect populaire, le rapport au public, l’aspect mythique des personnages… Le théâtre, à l’époque de Shakespeare, rameutait des foules et le public y était impliqué. Les lutteurs, élevés au rang de demi-dieux, ne sont pas sans rappeler la noblesse de l’époque. On peut même pousser les liens jusqu’à la configuration du public sur trois côtés qu’on voit souvent à la lutte.»

«On s’est donc amusés à transposer la hiérarchie de la World Wrestling Entertainment (WWE) sur celle de la monarchie anglaise de l’époque de Richard III. De cet exercice est née la Fédération Féodale de Lutte (la FFL), puis on a réécrit le texte au complet en prenant certaines libertés: un beau défi d’élagage!»

«Il a aussi été grandement question de revaloriser les personnages féminins, puisque c’était important pour nous de faire ressortir leur impact sur la narration et le déroulement de l’histoire. Ça donne un gros show d’arène où le public est amené à huer ou à encenser les immenses personnages librement et vocalement. Un gros party de lutte théâtrale shakespearienne où les comédien·ne·s jouent avec le public dans une espèce de folie tragi-comique enivrante!»

ROYALMANIA_Dick-the-Turd_Agamemnon-in-the-ring

Hilaire, tu es quant à toi co-metteur en scène, auteur, acteur et producteur de Agamemnon in the ring, également présentée à cette édition de ROYALMANIA. Il s’agit d’une «réécriture de l’épopée de la Guerre de Troie transposée dans le monde de la lutte» qui se trouve être au croisement de différentes disciplines artistiques telles que la poésie (la pièce est écrite en alexandrins), la musique (on note la présence de chansons opéra-rock) ou encore la danse (les combats scéniques sont chorégraphiés). D’où t’est venue l’inspiration pour ce spectacle, et comment en es-tu venu à en faire une véritable expérience multidisciplinaire pour tes spectateurs?

H. S-L. «Plus le travail dramaturgique qui accompagnait l’écriture du texte avançait, plus je me rendais compte que la forme de la tragédie grecque à l’époque d’Eschyle et d’Homère était étroitement liée à celle de la lutte. Pour moi, la tragédie grecque devait être en quelque sorte le téléroman de l’époque. On y racontait des sagas épiques et générationnelles; il y avait du chant, de la danse, des scènes de trahisons, etc.»

«Mon but en écrivant ce spectacle a été de renouer la tragédie à ses assises populaires. Nous traitons peut-être aujourd’hui la tragédie grecque de façon trop propre et soignée. J’ai voulu ramener un aspect réellement participatif à la représentation, un espace de jeu où le public se sent impliqué, où il peut participer, crier, scander. Cela rend la représentation pleinement vivante et le spectacle devient soudainement imprévu.»

«Je crois fermement qu’on peut allier sacré et populaire. Le fait d’avoir écrit cette pièce en alexandrins n’est pas une fantaisie d’auteur. Il y a quelque chose de fondamentalement performatif dans l’alexandrin. On demeure éblouis devant la rime. À la lutte, on attaque son adversaire dans le cadre du combat, mais on tente également de le vaincre par les mots. L’alexandrin nous amène cette dimension.»

Et alors, qu’est-ce qui vous enthousiasme dans le programme prévu à ROYALMANIA? On aimerait bien que vous nous en disiez un peu plus sur le concept et les activités du festival qui ont retenu votre attention!

H. S-L. «C’est un véritable tour de force qu’a réussi Aux Écuries de rassembler ces nombreux projets de théâtre qui s’inscrivent dans l’univers de la lutte. Il y a, je crois, cette envie qui gronde de se faire bousculer un peu plus au théâtre, de ressentir des émotions fortes. Le théâtre demeure une expérience collective, il ne faut pas l’oublier. Le festival sera l’occasion de vivre pleinement cette expérience avec ses nombreux événements et spectacles. En plus d’Agamemnon In The Ring et de Dick The Turd, il ne faut absolument pas manquer la comédie Champion de Maxime Champagne, mais aussi Squat, un spectacle d’improvisation sur le thème de la lutte.»

E.C-L. «ROYALMANIA, c’est une grande aventure de lutte-théâtre! Il y aura en plus une soirée avec DJcuries (moi-même!), une soirée de combats de jeux vidéo (pourquoi pas!), des tonnes de hot-dogs (miam!), et une bière brassée par l’Espace Public aux couleurs du festival (miam bis!)»

«Quand on s’est rencontrés il y a 3 ans, on a réalisé l’engouement autour de la lutte et le rêve secret d’un programme multiple est né en moi. J’étais loin de m’imaginer que le Théâtre Aux Écuries nous donnerait l‘opportunité de jouer à la lutte pendant 3 semaines!»

Si vous aviez la chance d’organiser un souper avec une personne de théâtre et le lutteur de votre choix, tous lieux et époques confondus, qui inviteriez-vous à votre table et de quoi parleriez-vous ensemble?

E.C-L. «J’inviterais définitivement Shakespeare et The Undertaker! On n’aurait pas le choix de prendre une bonne partie de la soirée à lui expliquer l’histoire et les rouages de la lutte, et je lui montrerais aussi quelques-unes des meilleures entrées de Taker pendant sa carrière, histoire qu’il ait vraiment la piqûre. Qu’il descende du plafond avec des ailes de chauve-souris ou qu’il émerge du centre du ring, revenu d’entre les morts, The Undertaker est toujours terriblement théâtral. Je suis convaincue que Shakespeare l’aimerait beaucoup, surtout que j’ai l’impression qu’il affectionne quelque peu les personnages fantomatiques…»

H. S-L.  «Je dirais Robert Lepage. Je serais curieux de m’entretenir avec lui pour savoir ce qui le fascine autant dans la lutte. C’est une forme artistique tellement vaste. Dans la perception collective que nous avons de la lutte, ça ne se résume qu’aux combats scéniques. Mais elle englobe tellement de choses: le récit, la musique, la confrontation verbale, le combat, etc. Avec ce spécialiste de la construction de l’image qu’est Robert Lepage, je suis sûr que cette discussion serait des plus animées, dans le bon sens du terme.»

«Pour le lutteur, ce serait Triple H. Ce n’est pas le plus connu, mais il tient aujourd’hui les reines de la WWE. Il assume pleinement le côté divertissement de la lutte. Il souhaite créer et raconter à son public des histoires marquantes.»

Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.

*Cet article a été produit en collaboration avec le Théâtre Aux Écuries.

ROYALMANIA en images

Par Najim Chaoui

  • «L’entrevue éclair avec…» Hilaire Saint-Laurent et Élisabeth Coulon-Lafleur de ROYALMANIA
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