«Le Prénom», mise en scène de Serge Denoncourt, au Théâtre St-Denis – Bible urbaine

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«Le Prénom», mise en scène de Serge Denoncourt, au Théâtre St-Denis

«Le Prénom», mise en scène de Serge Denoncourt, au Théâtre St-Denis

Sous-estimer l'effet de surprise

Publié le 11 mars 2015 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Maxime Côté

C'est la troisième année consécutive - et la dernière - que la pièce à succès Le Prénom, des Français Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, adaptée par Maryse Warda et mise en scène par Serge Denoncourt, est présentée sur les planches du Québec. D'abord au Monument-National, puis au Châpiteau Bromont, et maintenant au grand Théâtre St-Denis jusqu'au 21 mars 2015 avant de prendre la route en province, cette comédie intelligente, présentée devant 250 000 spectateurs en France et même portée au grand écran, aura ici aussi trouvé son public, avec plus de 70 000 billets vendus. Mais parce qu'après trois ans, son sujet et ses passages-chocs commencent à s'ébruiter, son efficacité s'effrite elle aussi, et malgré tout le plaisir qu'on a à assister à ces combats de coqs, il ne reste malgré tout que très peu de surprises dans cette production.

Le metteur en scène Serge Denoncourt a lui-même révélé en entrevue à Tout le monde en parle le plus gros punch de la pièce – de toute façon bien devinable pour quiconque a vu l’affiche officielle placardée partout en ville -, prouvant bel et bien qu’après trois ans, il est normal que tout le monde ou à peu près soit au courant du fameux prénom que Vincent (Patrice Robitaille) avoue vouloir donner à son fils, lors d’un souper qu’on promettait sympathique, chez sa soeur Elizabeth (Isabelle Vincent) et son mari Pierre (Christian Bégin), en compagnie de leur grand ami depuis toujours, Claude (Gabriel Sabourin).

Mais le fait de savoir empêche-t-il les spectateurs de réagir aussi vivement que les personnages de Pierre et de Claude lorsqu’ils découvrent avec stupeur que le prénom choisi en est un tabou, que nul ne devrait avoir le droit, et encore moins l’envie, de donner à la chair de sa chair? Oui est malheureusement la réponse. Car malgré l’argumentaire solide comme le roc et développée de main de maître et avec une aisance belle à voir par Patrice Robitaille pour justifier le choix du prénom qu’il donnera à son fils, et malgré l’utilisation judicieuse de chacun des mots et de chacune des tournures de phrases (le personnage de Pierre est professeur de littérature à McGill, après tout! Les mots, ça lui connaît), une bonne partie de l’intérêt de la pièce est ainsi déjà usée.

Ce combat de coqs durant lequel les deux grands amis tenteront d’amener l’autre à comprendre et adopter son point de vue ne demeure donc qu’une grande mise en scène pour épater la galerie. Heureusement, ce dernier objectif atteint sa cible, car avec la distribution plus qu’impressionnante réunie par Denoncourt, les performances des comédiens forment effectivement le plus impressionnant et le plus grand intérêt de la production. C’est sans surprise, car on ne s’attendrait à rien de moins de la part de Robitaille, Vincent, Bégin, Sabourin et Catherine-Anne Toupin (la conjointe enceinte du personnage de Robitaille), que chacun sait trouver la façon de briller et de livrer le texte bien ficelé avec aplomb.

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Il est tout à fait plaisant de voir Patrice Robitaille aussi à l’aise, dans un rôle qui semble plutôt près de lui, et donc qui lui permet d’être naturel et d’avoir une liberté qu’on lui a rarement vue, en tout cas certainement pas à l’étroit dans les costumes et les alexandrins de Cyrano de Bergerac. Toutefois, les performances de Christian Bégin en intellectuel d’abord en furie, puis avec un lâcher-prise amusant, et d’Isabelle Vincent, en maîtresse de maison complètement dépassée, sont également à souligner. Au final, chaque personnage a la chance de se démarquer grâce à un plaidoyer vivant et enlevant, permettant à chacun des comédiens d’épater avec son implication, ses moues et son sens du timing, et c’est ce qui engendre le plus de plaisir pour les spectateurs.

L’un des grands atouts de la pièce est aussi la façon formidable dont Maryse Warda a adapté le texte pour le public québécois, le rendant à la fois plus crédible (en personnifiant des gens près de nous, lesquels pourraient être notre propre famille), et très actuel, critiquant au passage le Ministre Gaétan Barrette, ou l’allure de certains députés de Québec Solidaire.

De sorte que malgré que cette pièce à rebondissements ne nous jette pas par terre autant que prévu, et même si la narration de Patrice Robitaille en personnage externe, au début et à la fin de la pièce, brise un peu la forme et semble presque superflue, la livraison sentie et dynamique des comédiens, le ton employé et les dialogues naturels et efficaces convainquent, mais davantage à ceux qui n’auraient pas vu le film de 2012 du même nom, car l’effet de surprise n’est pas à sous-estimer dans Le prénom.

La pièce Le prénom, adaptée par Maryse Warda et mise en scène par Serge Denoncourt, est une présentation de Juste pour rire Spectacles. Après dix soirs au Théâtre St-Denis (jusqu’au 21 mars), le spectacle sera présenté dans plusieurs villes, dont Gatineau, Québec, Terrebonne, Sherbrooke, Ste-Thérèse et St-Jérôme. Pour connaître les dates et acheter vos billets, consultez le hahaha.com.

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