«Le Pas Grand Chose» au Carrefour international de théâtre – Bible urbaine

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«Le Pas Grand Chose» au Carrefour international de théâtre

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Le point de vue singulier de Johann Le Guillerm

Publié le 31 mai 2019 par Maude Rodrigue

Crédit photo : Elizabeth Carecchio

Difficile de percer à jour le mystère qui embaume l’esprit de Johann Le Guillerm. Dans Le Pas Grand-chose, il expose quelques chantiers des recherches qu’il a menées, de ses «expérimentations du monde». L’artiste se réclame d’une «science de l’idiot».

«Bonsoir, je cherche le chemin qui n’irait pas à Rome». Cette première phrase prononcée par Le Guillerm, seul sur scène, donne le ton du spectacle. Son ambition: «faire le point sur le point», et élucider les énigmes que renferme le monde qui l’entoure. Pour ce faire, il plaque sur celui-ci ses propres grilles d’analyse, sa logique intime.

Le spectacle ne constitue qu’une seule des facettes d’un ensemble de recherches que mène Le Guillerm sous le signe de l’attraction, comme il l’a exprimé dans un entretien qui a suivi la première représentation au Carrefour international de théâtre. Tandis que, d’ordinaire, il est «à la recherche de points de vue», pour Le Pas Grand-chose, il livre son «point de vue sur la recherche».  La pièce est articulée autour du travail du chercheur, du scientifique à la recherche du sens caché du monde.

Lever le voile sur la pluralité des points de vue

Le Guillerm, bien qu’il ait évolué dans le milieu du cirque, décrit plus volontiers son travail en termes de «pratiques minoritaires». Il modèle le monde suivant sa volonté et ses instincts les plus saugrenus, le «[pliant] à ses fantasmes pour raconter n’importe quoi». Dans Le Pas Grand Chose, il pérore au sujet de mystérieux graphes compensatoires, il prédit l’aptitude des bananes (dont le bagage génétique serait identique à celui des humains à raison de 50%!) à osciller sur elles-mêmes, il jauge la forme morphocynétique des serpentini, il trace des entrelacs entre des schémas dégagés à partir de solides géométriques. Qui plus est, un chapeau de l’artiste cousu à partir de ses propres cheveux accumulés depuis dix-neuf ans constituerait la parfaite incarnation de l’embrouillamini de ses pensées…

Ce que Le Guillerm fait émerger, c’est la nature modulable de notre compréhension des choses, ce potentiel permettant que soient récupérées, puis transfigurées les notions relatives au fonctionnement de ce qui nous entoure. S’il déclenche les rires et paraît souvent basculer dans l’absurde, le discours de l’artiste semble toujours rattaché à la réalité par un fil ténu. Son regard et son ouverture d’esprit permettent de lever le voile sur des univers de sens riches.

La forme du spectacle calque celle d’une conférence, l’artiste affectant la contenance et le sérieux appuyé du stéréotype du chercheur, empruntant l’autorité des scientifiques. En dépit de l’étrangeté de la pensée de Le Guillerm, on consent à en suivre le fil et le magnétisme qu’il exerce sur l’auditoire est bien réel. On demeure ainsi pendu à ses lèvres bien que l’on ait l’intuition très nette que ce qu’il nous dit est cousu de faussetés. Or, qu’est-ce que la vérité? Est-elle unique, ou se décline-t-elle en fonction d’une infinité de points de vue?

Les rires sont généreux au sein de l’auditoire. Cette posture d’ouverture de Le Guillerm, admettant l’existence d’une pluralité d’opinions ou de manières d’envisager le monde, est franchement inspirante.

Il s’agit de s’affranchir du carcan des normes, des idées reçues, et de révéler ainsi la nature modulable des certitudes, le cours fluide de notre compréhension du monde.

«Le Pas Grand Chose» de Johann Le Guillerm en images

Par Elizabeth Carecchio

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