ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Vincent Champoux
2008, à l’aube de la crise financière mondiale, Alice Leblanc, jeune artiste en art visuel, dépose sa candidature pour décrocher un stage en résidence de plusieurs mois à Londres afin de parfaire son art. Les fonctionnaires – ridicules à souhait – du Conseil des arts et des lettres du Québec, chargés d’analyser le dossier, le lui octroient contre toute attente.
Fraîchement débarquée, elle renoue avec une ancienne flamme, Laurence, une professionnelle de la finance récemment sans emploi dû à la faillite de son employeur: la banque Lehman Brothers. Ensemble, elles se rendent à un encan visant à mettre aux enchères des œuvres de l’artiste Damian Hirst. Elles y font la rencontre d’un riche homme d’affaires… De fil en aiguille, Alice découvre le vrai visage du marché de l’art contemporain, des spéculations qui l’entourent et, malheureusement, du peu de considération attribuée à la valeur artistique des œuvres. Malgré ces constats, Alice trouve son chemin de Damas et aussi l’inspiration tant attendue.
Dans L’Art et la chute, on parle finance, on parle art contemporain et on pose les vraies questions: quelle est la véritable valeur des œuvres? Que signifie créer? Comment l’art et la finance peuvent-ils se marier sans se dénaturer? Et encore plus de questions…
La force de cette pièce résulte certainement du grand exercice de vulgarisation mené par ses auteurs. Ils décortiquent minutieusement la crise de 2008 et le système financier complexe et pernicieux actuel qui prend aussi d’assaut l’art contemporain. Ce marché, c’est une véritable bulle financière alimentée par des charlatans et de faux galeristes qui ne cessent de gonfler le prix des œuvres de manière à en évincer leur nature propre.
Les auteurs démontrent également avec brio que nous sommes tous animés par un appétit gênant envers le gain, la notoriété, la domination et le succès. Et qu’une fois que nous y avons goûté – que ce soit dans l’art, la finance ou dans tout autre domaine – c’est fatal! Tout ce propos est soutenu par un humour rafraîchissant et un texte fracassant.
La mise en scène s’avère sobre, fonctionnelle, mais aussi imparfaite: des enchaînements manquent de précision, le jeu d’acteur demeure imprécis, il règne parfois une confusion sur scène avec de nombreux changements de costumes et un décor qui gagnerait à être mieux exploité. Cependant, on n’en fait pas tout un plat, puisque la pièce est bonne et qu’on passe un bon moment. De plus, sur le plan de l’interprétation, on est bien servi. Les comédiens sont tous justes et polyvalents. C’est une belle distribution.
L’Art de la chute est une pièce produite par Nuages en pantalon dans une mise en scène de Jean-Philippe Joubert. Elle est présentée au Théâtre La Licorne jusqu’au 29 septembre 2018.
La pièce «L’Art de la chute» en 5 photos
Par Vincent Champoux
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