ThéâtreCritiques de théâtre
C’est dans la sphère du Festival St-Ambroise FRINGE de Montréal que la compagnie théâtrale Les viscères intronisait la pièce Monsieur Victor au Café espagnol, une tragédie contemporaine québécoise fondée sur la raison des corps, sa pulsion et son inventivité sans borne.
Le début d’un conte du corps humain
La fertilité et l’imagination de la troupe les viscères sont en acmé, en pleine ascension dans leur projet expectatif. Cette compagnie d’artistes indépendants a vu le jour en 2011 et a été créée par Michel Forget (Théâtre production, 2009), Jonathan Caron, Marie-Noëlle Doucet-Paquin et Cassandre Émanuel (Interprétation théâtrale, 2012) de l’option théâtre du Collège Lionel-Groulx.
Leur premier enfantement, La parenthèse des solstices, était une mixture de peinture et de théâtre en direct, qui a été présentée en janvier 2012 au studio Jean-Valcourt du Conservatoire d’Art dramatique de Montréal. C’est alors que cette jeune meute théâtrale s’est hissée une place authentique et méritée dans le théâtre moderne québécois. Monsieur Victor est profondément liée au corps et à un essaim organique. Il s’agit d’une pornographie respectueuse bien trempée dans un mouvement de crise collective. Un peuple en quête de vérité sur lui-même, son environnement et le dôme qui a été crayonné tout autour Les créateurs ont damasquiné la poésie et réussi à exister à travers elle. C’est un souffle de chœur. Un souffle languissant.
Un royaume dénaturé de toute conformité
Une mise en scène signée Cassandre Émanuel. Une prose signée Cassandre Émanuel. Une pièce écrite par Cassandre Émanuel.
Effectivement, Cassandre est une artiste multidisciplinaire fraîchement diplômée de l’option théâtre du Collège Lionel-Groulx en interprétation théâtrale. Monsieur Victor, une œuvre dessinée en 3 mois où la tragédie est à l’honneur: «La tragédie ne s’essouffle jamais, elle est immortelle et amène avec elle un message précieux. Elle inspire la poésie, le littéraire, ça raconte toujours quelque chose. Jamais en absence d’idée!».
Derechef, la pièce Monsieur Victor s’est fortifiée avec les réflexions que la société nous infligeait. «Mes personnages sont inspirés de mes rencontres faites à St-Raymond-de-Portneuf, où j’ai travaillé dans un bar, et une sorte de clash culturel est venue me bouleverser dans ma propre province.» Cassandre dit avoir été frappée par la relation que les gens avaient avec les drogues, les excès et l’envie de devenir «quelqu’un». De là sont nés des personnages passionnels et grotesques qui ne vivent que par eux et surtout pour eux. Des sommités englouties sous l’abîme douloureux d’une rivière sempiternelle.
Le sexe, une racine de la terre
Les dix personnages illustraient la beauté d’un corps se baignant doucement dans une mousse poétique. On nous versait une tasse de sang chaud tant par l’affirmation des comédiens dans leur jeu que par leur pleine possession de leur art. Les muscles étaient rudes, les fronts en sueurs et les bardes enveloppés de pureté. Une sensation délicieuse qui nouait parfaitement la sensibilité corporelle aux élans poétiques qu’apportait le texte. En effet, le courant langagier était familier et hyperbolique. Une innovation soutenue et constante où nous percevions le mal de vivre de l’humain, quand la nature fait miroir de bataillon.
Appréciation: ****
Crédit photo: Festival St-Ambroise FRINGE Montréal
Écrit par: Justine Boutin-Bettez