ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Maxime Côté
Sonia vit dans un grand appartement d’un village quelconque, où elle accueille un réfugié syrien. Sa mère, une pianiste de renommée internationale, vient de mourir après avoir perdu une âpre lutte contre la maladie d’Huntingdon. Afin de respecter ses dernières volontés, Sonia organise le legs du piano familial à la polyvalente du village et invite quelques convives à l’appartement un soir de canicule. Contre toute attente, sa sœur ainée, Elena, revient à l’appartement afin de participer à l’évènement. Les deux sœurs, séparées depuis plusieurs années, doivent cohabiter.
L’éphémère joie des retrouvailles laisse place à la compétition, à une jalousie malsaine, à la méfiance et à une véritable guerre fratricide…
Ensemble, elles ressassent les promesses non tenues de leur mère, ses absences et son emprise malsaine. Dans le court tableau qui nous est présenté, on constate rapidement que rien ne peut réconcilier cette famille, même la bonne foi, et qu’il ne suffit que d’une fraction de seconde pour relancer les hostilités. Les complexités de l’être humain, de l’ego à la jalousie, de l’euphorie à l’autodestruction, sont analysées dans cette pièce, qui adopte le style réaliste que l’on attribue à Tchekhov.
Cette première pièce de Clara Prévost repose sur un texte beau et riche, mais qui aurait mérité une meilleure cohérence. En fait, l’ajout de divers personnages – Hakim, la voisine Mathilde, le policier Alexandre – dénature la notion de guerre chère à l’autrice. Le conflit ravageur entre les deux sœurs et son entretien, des deux côtés, possédait de riches filons.
Pourquoi sont-elles arrivées à ce point de non-retour? Que ressentent-elles l’une envers l’autre? Quel rôle a occupé la mère dans ce conflit? Voilà autant de questions que se posent les spectateurs.
Peut-être qu’on ne devrait pas répondre à ces questions et que l’incompréhension de leur déclenchement s’avèrerait plus pertinente. Mais la force de l’écriture de Clara Prévost, qui se manifeste dans les dialogues entre les deux sœurs, me pousse à croire qu’il y avait de la matière pour explorer encore plus les personnalités troublées de Sonia et d’Elena, tout en gardant comme trame de fond cette mère omniprésente.
Dès l’entrée en salle, le spectateur est convoqué dans une pièce familiale froide où l’ambiance est lourde et étouffante. On sent le malaise! Le décor est simple et efficace: un grand piano à queue, une table, des chaises, une lampe sur pied et de grandes fenêtres qu’on s’amuse à fermer pour éviter de perdre la fraîcheur. Tout est cloisonné dans cet appartement, surtout les deux sœurs et Hakim, le réfugié syrien.
La mise en scène d’Isabelle Leblanc réussit à démontrer la difficile compréhension entre les protagonistes et l’étouffement de la mère. Au début, son jeu de piano est attachant, mais il devient rapidement dérangeant et lourd. La direction des comédiens par la metteure en scène est impeccable.
Mentionnons au passage les performances remarquées de Rebecca Vachon et de Clara Prévost (aussi autrice de la pièce) dans les rôles de Sonia et d’Elena. Elles jonglent toutes les deux avec une palette d’émotions variées en très peu de temps!
«La place rouge» en 6 photos
Par Maxime Côté
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