ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Caroline Laberge
Écrite par l’Allemande Rebekka Kricheldorf, Villa Dolorosa s’inspire librement de la pièce Les trois sœurs d’Anton Tchekov. Dans une mise en scène de Martin Faucher et une traduction de Sarah Bertiaume et Frank Weigand, la pièce ne garde d’allemand que les euros que doit Irina «au compte familial» et quelques références littéraires et intellectuelles. Parce que le parlé est tout à fait québécois, et la ville, jamais nommée, pourrait bien être Montréal ou une de ses voisines.
La pièce se déroule en trois temps, toujours aux anniversaires d’Irina, anniversaires constamment gâchés pour une raison ou une autre. Cela n’empêche pas les trois sœurs, leur frère, la femme de celui-ci et l’ami Stephan de tenter de trouver un sens à cette vie vouée à l’échec. Cyniques face à leur avenir, ils font de la question «pourquoi ne pas se suicider tout de suite, sachant que nous n’arriverons jamais à rien?» le leitmotiv de leur vie.
Lourdes, très lourdes, ces conversations sur le bonheur, la vie, la mort, l’argent et la société. Heureusement, elles sont soutenues par un texte métaphorique mais tout de même assez drôle. Si les sœurs se plaignent d’être de moins en moins drôles, on comprend que l’auteure, elle, n’a rien perdu de son mordant et de sa répartie. Les répliques sont souvent cinglantes ou simplement criantes de vérité, mais bien envoyées, et surtout, elles sont dites par des acteurs parfaitement à l’aise dans leur rôle.
D’ailleurs, ce sont les filles qui volent la vedette aux hommes dans Villa Dolorosa. Anne-Élisabeth Bossé incarne cette Irina, éternelle étudiante cherchant sa voie, préférant passer ses journées à réfléchir sur la vie plutôt qu’à faire réellement quelque chose de celle-ci. Marilyn Castonguay, que l’on a pu voir aux côtés de Marc-André Grondin dans L’affaire Dumont l’année dernière, joue ici la plus jeune des sœurs, Mascha, la jeune femme au foyer parfaite, qui s’ennuie dans un mariage trop ordinaire et qui rêve du grand amour qu’elle pourrait peut-être avoir avec Stephan. Geneviève Alarie, quant à elle, tient le rôle d’Olga, l’aînée, une enseignante blasée et désespérée par l’ignorance de ses étudiants, redoutant sa nomination à titre de directrice «parce que personne d’autre ne peut le faire». Finalement, c’est Léane Labrèche-Dor, sans aucun doute une des grandes révélations de l’année, qui personnifie Karine, la belle-sœur qui, malgré les apparences, est peut-être la plus adaptée à vivre en société.
Du côté des hommes, c’est Luc Bourgeois qui incarne Stephan, cet ami aspirant à vivre la vie bohème et à prendre part aux discussions d’esprit de la famille Freudenbach, mais qui est plutôt coincé «dans une usine qui fabrique des emballages», et une femme qui passe son temps à se suicider. Malheureusement, ce sont les répliques de David Boutin, alias Andrej, pourtant un très bon acteur, qu’on comprend le moins bien. Parfois parce que mal articulées, parfois parce que trop philosophiques et métaphoriques.
Villa Dolorosa est une pièce parfois lourde, mais souvent drôle, qui nous amène à réfléchir sur notre propre vision de la vie et du bonheur. À voir, mais quand on n’est pas trop fatigués ou déprimés, parce que ça dure quand même presque deux heures et demi!
«Villa Dorosa» est présentée au théâtre ESPACE GO jusqu’au 12 octobre. Pour plus d’information, consultez le www.espacego.com.
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de la rédaction