La pièce «Scalpée» de Véronique Côté – Bible urbaine

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La pièce «Scalpée» de Véronique Côté

La pièce «Scalpée» de Véronique Côté

Une création au bouquet aliénant présenté à l’Espace Libre jusqu’en février

Publié le 27 janvier 2013 par Justine Boutin-Bettez

Crédit photo : Matthew Fournier

Après Gros et détail (2003) et Annette, qui apostrophaient notre griffe identitaire avec le hockey, l'auteure Anne-Marie Olivier poursuit dans la déperdition que la nature impose à l’humain et dans la concrétisation d’un destin dans l’ouvrage du temps. Les productions Bienvenue aux dames! nous convient à la pièce Scalpée, mise en scène par Véronique Côté et présentée du 24 janvier au 9 février 2013.

Crise d’Oka entre les guerriers mohawks et chansonniers québécois. 1990. Conflit de grandeur et d’amplitude à la dégénérescence, créant désobligeance civile, barricade historique et symbolique du 11 mars. C’est alors qu’une mère disparaît et s’esquive avec son fils. Elle fuit la crise d’Oka avec son enfant, essayant tant bien que mal de lui dissimiler et de farder toute forme de vérité face à ses origines. Afin de se tirer de cette condition boiteuse et instable, elle accepte de travailler comme gardienne de réclusion. Pendant vingt années de lourds labeurs, elle tentera d’ensevelir ses envies, ses illustres ambitions et ses inspirations véritables, jusqu’à ce qu’une nuit remue le plus lointain des amoncèlements chimériques, un noir qui viendra à jamais ébranler son destin.

Poésie drue et pugnace de beauté. L’auteure Anne-Marie Olivier a découvert qu’elle avait une ascendance autochtone, elle a donc dévoilé par sa plume un visage de la plus concrète réalité. Ce peuple racine qui est le son même de la colonisation et de la création historique a fait naître en elle une œuvre collective ou l’âme laissée à nue sur la dureté prend de plein fouet chaque individu de la salle. Le personnage principal, Charles, lequel est en constant combat avec son intérieur, découvre que son père est un Amérindien et qu’il vit toujours. Sa mère Élise (Anne-Marie Olivier), gardienne de prison lui ayant toujours caché cette vérité, voici l’Archange qui fait bouillonner la paix tout autour d’elle. Coup de poing, coup de cœur, pour cet acteur à l’énergie pleine et captivante. Effectivement, Steve Gagnon est la figure de ce que le mot «corps» veut dire, amalgame de sinistre et de beauté, plongeant dans une vérité déroutante et invaincue. L’auteure, Anne-Marie Olivier, tout récemment nommée directrice du Théâtre du Trident, a écrit l’élément de la nature métissé d’orgasme dépaysé mais beau à voir, de poésie, de langue dépitée du corps et de dévotion de sexe vivant.

Affliction, détresse et calvaire se heurtent sous toutes les formes et toutes les galbes. Ainsi, les thèmes se dérobent et se proclament tout au long de l’échographie théâtrale; rien n’est laissé au silence, pas même une plaie de lumière. Puis l’auteure de Scalpée s’est sans contredit lancée dans un univers tabou et brûlant de silence, le viol. Le secret noir d’Élise prend une tournure identitaire et personnelle. Lors du monologue d’Anne-Marie Olivier, tout s’arrête et se déchaîne; elle nous livre un boulet de sensation et un projectile d’émotion à nous déflorer en larme. De la gueule du loup au sabot d’un cheval, cette œuvre nous invite à la rencontre de trois individus baignant dans le vide de la perte.

Scalpée, une pièce de théâtre touchante et tranchante, est présentée à l’Espace Libre jusqu’au 9 février. Comme on le dit, il faut le voir pour le croire. Il faut embrasser cette œuvre aliénante en genèse d’un collectif et d’un lien identitaire. Un accomplissement palpant de grandeur dramatique et d’éloquence.

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