La pièce «BUG» au La Licorne: pucerons de lit et bibittes de l’esprit – Bible urbaine

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La pièce «BUG» au La Licorne: pucerons de lit et bibittes de l’esprit

La pièce «BUG» au La Licorne: pucerons de lit et bibittes de l’esprit

Publié le 24 mai 2012 par Alice Côté Dupuis

On réfléchit, on rit, on délire, on étouffe et on se gratte en étant témoin de la déchéance des personnages campés par Émilie Gauvin et Marc-François Blondin dans BUG. Avec Antoine Bertrand pour rehausser la tension, la seconde production du Théâtre À qui mieux mieux réussit à nous amener dans un univers glauque à la limite de l’intolérable.

Il aura fallu six ans après Le baiser de la veuve pour que le duo d’amis formé par Marc-François Blondin et Antoine Bertrand – co-fondateurs d’À qui mieux mieux, avec la directrice de production Geneviève Lessard – ne tombe assez en amour avec un texte pour décider de le monter. C’est finalement sur l’Américain Tracy Letts que leur attention s’est arrêtée, lui qui, déjà, avec August: Osage County, avait prouvé la force de ses mots en créant des personnages intrigants et en instaurant des suspenses insoutenables combinés à une psychologie bouleversante. Dans BUG, c’est tout cela qu’on retrouve, mais avec également beaucoup d’interrogations. «Est-ce qu’elles sont là ou non, les bibittes? C’est quoi la part de délire?» (La Presse, 12 mai 2012) se demande Antoine Bertrand, l’un des éléments comiques de la pièce.

Rien n’est plus incertain, alors que le spectateur lui-même tangue entre l’absurdité de la théorie du complot établie par Peter (Blondin), un ancien militaire qui entre par hasard dans la vie d’Agnès (Gauvin), et la réelle et inquiétante descente aux enfers des deux nouveaux amoureux après qu’ils aient trouvé un insecte dans le lit, puis un autre, et ensuite plusieurs autres. Non, ça ne semble pas être la trop présente pipe à crack qui les fait divaguer au point de se mutiler, mais plutôt leurs bibittes. Ils en sont infestés, de ces bibittes. Elles les rongent de l’intérieur, c’est le cas de le dire. Et ils se contamineront l’un l’autre jusqu’à ce que la chambre du motel où ils résident devienne malpropre, crasse, bref, un vrai festin pour les insectes.

La vérité, c’est que la vulnérabilité des personnages, qui se manifeste autant en raison d’un passé qu’ils veulent oublier que d’une grande solitude, fait en sorte qu’ils fusionnent pour mieux s’accepter. Agnès est tellement fragile qu’elle préfère s’abandonner dans le délire de Peter plutôt que d’être seule, mais saine d’esprit. En revanche, cette fragilité, Émilie Gauvin l’incarne à merveille. Celle qui a également traduit la pièce est une véritable révélation, alliant magnifiquement le jeu très physique de la dépendante à la cocaïne et au crack à celui, très psychologique, de la femme apeurée par son ancien conjoint violent (Bertrand) et leur histoire. Mais celui qui vole la vedette est incontestablement Marc-François Blondin, qui nous plonge dans un délire profond grâce à des expressions faciales et des postures toujours plus convaincantes.

Pour compléter la distribution, Antoine Bertrand, bien sûr, qui est égal à lui-même, c’est-à-dire toujours très juste, avec seulement ce qu’il faut d’arrogance. Mais il ne faut pas oublier Marika Lhoumeau, qui démarre la pièce en force avec un humour décapant et des répliques telles que «Si tu fais le mal, fais le bien!». Finalement, il y a Philippe Lambert, qui arrive à la toute fin de ce thriller où tout constitue un bon refuge pour oublier ses problèmes. Antoine Bertrand répond à cela en disant «la drogue, c’est mal». Demandez au metteur en scène, Denis Bernard, et il vous dira que cette histoire d’amour nocive, cette détresse des personnages était un beau défi à relever.

La pièce BUG est présentée au théâtre de la Licorne jusqu’au 9 juin 2012.

Appréciation: ***1/2

Crédit photo: Félix Renaud

Écrit par: Alice Côté Dupuis

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