ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Yves Renaud
Mireille Larouche, enfant, souffrait d’insomnie et trompait son ennui nocturne en regardant sa famille et ses voisins dormir, avec une attention toute particulière pour Laurier Gaudreault, le sportif le plus flamboyant du voisinage, objet de fascination qui, une de ces nuits, s’est réveillé.
Conte rural, peinture de mœurs, portrait d’une famille du Lac St-Jean, drame saisissant, la nouvelle œuvre de Michel-Marc Bouchard, qui plonge encore plus profondément dans ses thèmes de prédilection, invite les spectateurs à baigner dans les retrouvailles d’une famille atypique.
Éliot (Mathieu Richard), un perdant sympathique, collectionne les séjours dans des centres de désintoxication; Julien (Patrick Hivon) est marié à la colorée Chantale (Magalie Lépine-Blondeau) et profite de son chômage pour aller faire de la natation à Chicoutimi, «parce que les équipements sont de meilleure qualité»; et finalement, Denis (Éric Bruneau), le cadet bourru.
Alors que l’intrigue tourne principalement autour d’une révélation qui arrivera, nous nous en doutons, assez tard dans le récit, l’essentiel des dialogues tend à raffiner des personnalités bien travaillées, qui transcendent le cliché, et certaines répliques jaillissent avec un humour inattendu et impitoyable. L’endroit lugubre où se déroule le drame exacerbe encore plus la teneur en vitriol des blagues scabreuses – mais habiles! – qui fusent à un rythme savamment dosé.
Cette cérémonie préparatoire pour une exposition qui n’aura jamais lieu s’étire sur deux nuits, pendant lesquelles les procédés d’embaumement s’imbriquent dans les querelles familiales, les règlements de compte et les confessions. Laurier Gaudreault, personnage mythique d’Alma, est une figure symbolique qui représente tellement de jeunes hommes tragiquement martyrisés dans toutes les petites villes du monde.
Dans un décor clinique et presque spectral de Guillaume Lord, nous assistons au lent ballet des atomes de la famille, pendant que le deuil prend un certain recul face aux diverses confidences et retournements. La chorégraphie de Serge Denoncourt, metteur en scène d’expérience, est sans failles.
Même si certains personnages frôlent la caricature (on pense ici particulièrement à Éliot), il est bon de retrouver l’univers singulier de Bouchard, qui nous offre encore une fois un fulgurant moment de théâtre.
«La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé» en images
Par Yves Renaud
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