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Crédit photo : Alexandre Zacharie
Sur les sept exils de Nonna
Jeanne Nadjari, dite Nonna, est née à Salonique en 1910 et a connu une vie marquée par les exils. Son premier déracinement survient lors du grand incendie de 1917 à Thessalonique, où elle a perdu non seulement sa maison, mais aussi une pastèque choisie avec soin par son oncle.
Pour son deuxième exil, son cousin chéri, Henri, part pour Alexandrie. Pendant sept ans, ils entretiennent une correspondance passionnée jusqu’à ce que Jeanne le rejoigne en Égypte, marquant ainsi son troisième exode. Là, ils fondent une famille, mais la Seconde Guerre mondiale ravage Salonique, où la famille juive de Nonna périra dans les camps, ce qui marque son quatrième exil.
Traumatisée, elle convainc Henri de partir au Brésil où elle vivra son cinquième exil. Cependant, un dernier déracinement de son vivant survient quand Henri Louis, leur petit-fils, quitte le Brésil pour le Québec, brisant du même coup la promesse familiale de rester unis, quoi qu’il arrive.
Par un concours de circonstances (et quelques prières bien lancées de la part de sa grand-mère), Henri Louis peut enfin revenir au Brésil en 2002, le temps d’un court contrat artistique. Or, Nonna meurt à son retour au bercail, mais son petit fils estimera que le souhait le plus profond de Nonna aura été respecté.
Sa famille est là, rassemblée une dernière fois, avant son septième et ultime exil vers l’au-delà…
Un théâtre convivial
La pièce Caminando & Avlando, mise en scène dans un autobus, propose une expérience immersive et intime. D’entrée de jeu, Agnès Zacharie, auteure et interprète, et aussi directrice artistique d’Ubus Théâtre, accueille le public avec chaleur, racontant l’historique de la pièce avec proximité.
Le bus, astucieusement utilisé dans le but de rapprocher les spectateurs de l’action, crée une ambiance presque confidentielle, mais les places à l’arrière posent problème, car la vue du spectateur n’est pas optimale, et la chaleur dans le bus nécessite même l’usage d’un air climatisé. Ce bruit, d’abord dérangeant, finit par s’intégrer assez habilement à la mise en scène, qui évoque les décors maritimes de la pièce.
L’ingéniosité de la production l’emporte, mais il vaut mieux s’installer à l’avant de l’autobus pour profiter pleinement de l’expérience!
Vol UT 17. Destination: vers le lieu de tous les possibles!
Une fois assis à l’intérieur du bus, le véhicule se métamorphose en avion imaginaire, embarquant le public dans un vol UT 17 vers le «lieu de tous les possibles».
La pièce prend la forme d’un documentaire théâtral, narré par Henri Louis Chalem, qui interprète le rôle du «pilote» de l’autobus et du narrateur de l’histoire de Nonna. Le texte est ponctué d’interactions avec le public offertes par les «hôtes de l’air» et interprètes Agnès Zacharie et Éric Leblanc.
Ces derniers vont même jusqu’à offrir des éléments sensoriels comme la pastèque ou des «roses» de Nonna (en réalité du parfum de pastèque et un morceau de maïs soufflé sur un cure-dent), ce que j’ai trouvé tout particulièrement charmant! Ces moments renforcent l’intimité entre les spectateurs et les interprètes, rendant par le fait même l’expérience immersive et unique.
L’ingéniosité technique du spectacle, rehaussée par la présence de trois écrans permettant la diffusion de vidéos, ombres et photos, impressionne, notamment lors de l’utilisation inventive d’une vieille caméra, offrant des moments magiques malgré l’espace restreint du bus.
Une expérience conviviale et intime du déracinement
La force d’une création comme Caminando & Avlando réside en partie au niveau de ses prouesses techniques. Cependant, ce qui m’a marqué encore plus, rétrospectivement, c’est l’intimité créée avec le public, laquelle est tout aussi puissante que ses effets visuels.
Les artistes, traitant l’audience comme si elle était une membre de la famille, restent même après la représentation pour échanger librement. Cette convivialité ajoute une dimension chaleureuse à l’expérience. Pour profiter pleinement du spectacle, il est recommandé aux plus petits de se placer tout à l’avant.
C’est en somme une pièce accessible à un public de tous les âges, où le contact avec les artistes à la sortie enrichit davantage l’expérience. Une œuvre à voir pour son humanité et sa simplicité d’approche.
Le spectacle «Caminando & Avlando» en images
Par Alexandre Zacharie
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