ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Yves Renaud
Michel Marc Bouchard a écrit un texte digne d’un génie: on y révèle d’innombrables vérités, et en filigrane plusieurs critiques, qu’elles soient à propos de la religion, des codes du théâtre, du bien-paraître ou des différences entre les classes sociales. Il a insufflé dans ce récit fictif, mais qui aurait très bien pu être véridique, nombre d’éléments historiques réels concernant la venue à Québec de Sarah Bernhardt, et la façon très peu civilisée dont elle a été reçue, et cela donne vraiment envie de découvrir davantage ce personnage, qu’on découvre comme étant audacieuse, frondeuse et vraie. Il a usé d’ironie, aussi d’humour et d’éléments présents dans l’actualité – les prêtres et la pédophilie, on ne passe pas à côté –, a jonglé avec le cynisme et la lucidité, et a de plus créé une grande mise en abîme, en créant une pièce de théâtre à l’intérieur même d’un spectacle théâtral.
Mais malgré tout, ce qui demeure le plus au sortir de La Divine illusion est le sentiment que le théâtre est un art noble et important; on perçoit que cette pièce est au final un grand hommage à cet art. Avec la brillante insertion dans la pièce du discours – un véritable plaidoyer – de Sarah Bernhardt à la population de Québec en 1905, Bouchard a certainement pu exprimer son amour pour son travail, et lancer un message, puisqu’elle est encore actuelle, la bataille pour accorder plus d’importance à l’art.
Quand on voit des pièces aussi intelligemment pensées et écrites, et qu’on découvre qu’on peut faire autant avec des éléments de décors qui nous semblent si simples, mais qui sont tout simplement ingénieux, on est tout à fait impressionné. Mais ici, on est en plus placés devant des acteurs incarnés, impliqués et saisissants. Ils sont tantôt d’expérience, comme la sublime Anne-Marie Cadieux (Sarah Bernhardt), la très juste Annick Bergeron (Madame Talbot) ou encore Éric Bruneau (frère Casgrain), qui se dévoile là dans un rôle plus réservé, mais toujours aussi brillant. Certains sont plutôt novices, mais à la carrière prometteuse, tel que le jeune Lévi Doré (Leo, frère de Talbot) qui a une assurance incroyable et une belle présence, Simon Beaulé-Bulman, qu’on se plaît à découvrir dans un rôle plus coloré, démontrant sa polyvalence, et aussi une bonne prestance face à sa partenaire Cadieux, et finalement Mikhaïl Ahooja, dans un rôle profond et complexe qui le révèle dans une belle intensité. Placés devant tous ces éléments, on a qu’une envie: se rallier à Sarah Bernhardt et crier avec elle «Au triomphe du théâtre!».
Et particulièrement au triomphe de cette pièce.
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Par Yves Renaud
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