La création «Ta douleur», mise en scène par Brigitte Haentjens, au Théâtre de Quat’Sous – Bible urbaine

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La création «Ta douleur», mise en scène par Brigitte Haentjens, au Théâtre de Quat’Sous

La création «Ta douleur», mise en scène par Brigitte Haentjens, au Théâtre de Quat’Sous

Des choix esthétiques et scéniques judicieux

Publié le 12 décembre 2013 par David Bigonnesse

Crédit photo : Ruel

La souffrance physique est un mal à la fois universel et très personnel. Alors que les créations en tous genres explorent de plus en plus les maux psychologiques, très de notre époque, la création Ta douleur, bien qu’elle ne délaisse pas la souffrance psychique, traduit l’horrible mal du corps à travers la performance des deux interprètes Anne Le Beau et Francis Ducharme. Comme quoi l’expression «se donner corps et âme» retrouve ici tout son sens.

La douleur est causée par de nombreux facteurs de l’ordre de l’évènement. Les premiers mots qui nous viennent en tête à son sujet sont la maladie, les blessures, les attaques, le deuil et la peine d’amour. Même ces deux derniers «états humains», d’abord émotionnels, peuvent se transformer en réel mal physique. Et ce sont tous des moments de souffrance incarnés par les deux protagonistes à l’intérieur du spectacle Ta douleur.

Dès le début de la représentation, le public réalise que les performeurs Anne Le Beau et Francis Ducharme portent seuls cette création alliant danse et théâtre sur leurs épaules devant le public, car il n’y a pas de décors pour les soutenir (bien sûr, la metteure en scène Brigitte Haentjens est présente par son travail de chef d’orchestre artistique et chorégraphique). La scène du Quat’Sous est complètement épurée, laissant même voir le mur du fond habituellement masqué. Il s’en dégage une liberté dans l’espace que les deux danseurs exploitent bien à fond.

Dans cet espace presque pur – la pureté parfaite n’existant pas – les réactions provoquées par la douleur passeront toutes au tordeur corporel. Les réactions physiques d’abord exprimées par le personnage, mais aussi les réactions de l’autre. Celui qui observe. Celui qui compatit. Celui pour qui la douleur de l’être à ses côtés le laisse indifférent. La réalité quoi.

Le spectateur rit et sourit à quelques reprises, mais il est aussi heurté par la violence de certains moments. On pense ici à cette scène où le spectateur saisit bien que le protagoniste féminin est victime d’une agression sexuelle. L’inconfort s’installe et toute la symbolique qui entoure l’emprise d’un être humain sur un autre nous rend dans un état ineffable. Si parfois il est difficile de ressentir et de saisir la douleur représentée par les deux artistes pendant le spectacle, il faut souligner que cette scène de viol s’avère le moment le plus poignant de cette création.

La forme informe de la pièce, qui met le physique à l’avant-plan, permet de laisser libre cours à l’interprétation du spectateur, selon ses propres expériences de douleur. Chaque personne ressent alors différemment les moments de souffrance évoqués. Il se les remémore. Il les anticipe. Il s’en rappelle…

La souffrance physique est extériorisée de nombreuses façons, puisque les mouvements changent et les corps suivent. Lorsqu’un des deux partenaires retient le corps de l’autre par le simple bout d’un vêtement, il devient pantin. Lorsqu’il se fait trimballer d’un côté et de l’autre, il semble incarner une poupée de chiffon. Alors que, parfois, la violence s’empare du corps et nous offre du même coup une performance d’une intensité physique indescriptible. Les coups de pieds, le visage très expressif, la sueur qui couvre la peau et le désir de s’exprimer par la force des membres du corps traduisent une volonté de dépassement de la part des danseurs.

Au final, la plus grande réussite de Ta douleur réside sans aucun doute dans son découpage scénique. Présentées sous forme de multiples tableaux, les scènes sont tout simplement découpées par l’éclairage qui ouvre et clôt les situations douloureuses. Qu’elles soient rapides ou plus longues, les performances sont en fait efficacement segmentées par une rythmique qui tient d’un bout à la fin.

La création «Ta douleur», mise en scène par Brigitte Haentjens, est présentée au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 14 décembre 2013 dès 20h. Pour plus d’information, consultez le site Web à l’adresse suivante: http://www.quatsous.com/1314/saison/douleur.php.

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