«La beauté du monde», d'après une mise en scène de Marilyn Perreault, au Théâtre Aux Écuries – Bible urbaine

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«La beauté du monde», d’après une mise en scène de Marilyn Perreault, au Théâtre Aux Écuries

«La beauté du monde», d’après une mise en scène de Marilyn Perreault, au Théâtre Aux Écuries

Se perdre pour mieux se retrouver

Publié le 14 février 2015 par Charlotte Mercille

Crédit photo : Eugène Holtz

Le Théâtre I.N.K. présentait hier soir la récidive de Marilyn Perreault aux Écuries. Après la pièce provocante Ligne de bus, la metteure en scène s’attaque cette fois au registre psychologique en offrant une lecture physique du texte La beauté du monde d’Olivier Sylvestre. La crise existentielle au passage à l’âge adulte se trouve au coeur de cette création intrigante. À l'affiche jusqu'au 28 février 2015.

Jeune professionnel, bel homme, amoureux, Olivier semble avoir tout pour lui. Quelque chose se brise tout le temps en lui, alors qu’il se trouve sous les mêmes arbres où il a rencontré Marilyn quelques années plus tôt. Il décide de tout quitter, court jusqu’au premier bloc-appartements qu’il voit et signe le bail de sa nouvelle propriétaire Sylvie. Installé dans un demi-sous-sol miteux, Olivier se voit confronté à une réalité tout autre à sa vie bien rangée qu’il a abandonnée, mais tout aussi bien structurée.

Dans ce nouvel univers fait en cartons, les locataires ressemblent aux murs: défraichis, meurtris et bruyants. Lentement, ils s’agglutinent à Olivier pour soulager leurs propres tourments intérieurs. Les jours s’écoulent différemment dans le bâtiment imaginé par Olivier Sylvestre. La fièvre qui prend soudainement le protagoniste rappelle l’expression anglaise cabin fever , le malaise qui prend ceux qui restent trop longtemps enfermés. L’expression française équivalente se traduit par le sentiment d’être un lion en cage. L’ambiance étouffante créée entre les murs isolés au papier journal et les locataires envahissants est totalement réussie.

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Dans l’éventail de personnages colorés qui habitent le bloc, Olivier est pourtant celui qui dérange le plus. Manquant d’assurance, geignard, presque beige, il déteint avec le reste du bâtiment de façon agaçante. On croit à tort que c’est le jeu du comédien Benoit Landry qui est en cause, mais non, on réalise que l’attitude est bien voulue. Sa personnalité est précisément ennuyante parce qu’elle montre la première blessure de l’ego: la vulnérabilité et la honte de ceux qui se cherchent. Les autres comédiens disposent d’une plus grande palette d’émotions à explorer si on pense à la fluidité de la prestation de Xavier Malo dans le rôle de Dany ou à Marcel Pomerlo qui joue avec aisance le désabusé Monsieur Picard.

Mis à part les acteurs, la beauté de la pièce réside surtout dans les passages chorégraphiques orchestrés par Valérie Brunelle. Chaque mouvement est organique, aquatique, passionné. D’autres moments empruntent la plasticité des dessins animés. Le travail de Marilyn Perreault explore littéralement de nouveaux angles de scène à tel point que les notions traditionnelles de la hauteur ou de l’horizon se perdent. 

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Longtemps après la tombée du rideau, la curiosité de la pièce est toujours bien implantée dans l’esprit. L’impression laissée se fragmente dans la propre expérience personnelle. La beauté du monde adresse l’âge ingrat où l’on réalise que les premières fois ne reviendront plus et dont le caractère universel fait presque mal. Les jeunes comme les éternels adolescents se retrouvent dans le fantasme de fuite de la réalité des personnages, sans que la pièce tombe dans la lourdeur ou le désespoir. Bref, une excellente sortie qui donne envie d’en voir davantage du Théâtre I.N.K. dans l’avenir.

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