«Le Jeu de l’amour et du hasard» de Marivaux au Théâtre du Nouveau Monde

L’auteur a écrit cette pièce en 1729. Elle a été présentée pour la première fois l’année suivante, et c’est son œuvre la plus connue à ce jour – et probablement la raison pour laquelle nous connaissons encore ce dramaturge de nos jours. C’est une histoire assez fringante d’usurpation d’identité et de mascarade, qui permet aux acteurs de démontrer leur versatilité, tout en conservant une certaine finesse dans le jeu.

Nous faisons tout d’abord connaissance avec Silvia (Bénédicte Décary), une jeune femme aisée que son père veut marier au fils d’un ami. Elle ne l’a jamais vu et souhaite ardemment saboter cette entreprise. Lorsque la visite de Dorante est annoncée, elle décide de changer de place avec sa servante Lisette (Catherine Trudeau), afin d’étudier librement son prétendant avant de décider s’il l’intéresse ou pas. Elle ignore cependant que Dorante (David Savard) a eu la même idée et croit tout d’abord que c’est le minuscule et vulgaire Arlequin (Marc Beaupré) qui lui est destiné.

Outre les inévitables quiproquos et les séductions détournées dans le jardin, les trois actes sont riches en traits d’esprit et dressent un portrait assez amusant de l’aristocratie de l’époque. Les multiples cabotinages des domestiques, qui se courtisent en parallèle, apportent une dimension humoristique très libératrice face à la séduction très cérébrale qui a lieu entre Silvia et Dorante.

Difficile de faire plus convenu comme happy ending, mais on imagine sans effort que les clichés du genre n’étaient sans doute pas aussi lassants en 1730. Dans cette version, mise en scène par Alain Zouvi, la scénographie est épurée et lumineuse, et le jardin est présenté comme un immense échiquier, avec quatre pions qui représentent chaque personnage assoiffé d’amour. Monsieur Orgon (Henri Chassé) et son fils Mario (Philippe Thibault-Denis) sont là pour jouer les complices et les influenceurs, seuls détenteurs de la vérité complète.

Les costumes de Judy Jonker sont parfois époustouflants de ridicules, et leur effet est fort réussi: leur flamboyance fait plaisir à contempler. Les acteurs sont tous très en forme, mais soulignons ici la voix chaude et juste de Décary, qui est un élément non négligeable de sa performance, et les pitreries toujours impeccablement exécutées de Marc Beaupré, dont le casting aurait difficilement pu être plus juste.

On obtient avec tous ces savoureux ingrédients du théâtre classique luxueux et fort bien exécuté, dont on oublie bien souvent les vertus, et qui mérite pleinement sa place pour clore la saison époustouflante du TNM.