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Crédit photo : Gracieuseté TNM
La novella dont cette pièce est tirée, écrite par Kathrine Kressman Taylor en 1938, qui a laissé tomber son prénom lors de la publication afin de la «masculiniser» (autre temps, autres mœurs), raconte la lente dégringolade de l’amitié entre Max Eisenstein, un juif américain, et Martin Schulse, un Allemand père de famille, deux personnages qui sont associés en affaire dans une galerie d’art. Nous sommes en 1933, en pleine ascension du nazisme, et les Allemands voient en Hitler un sauveur inespéré qui sortira le pays de son marasme financier.
La sœur d’Eisenstein, qui a déjà été l’amante de Schulse, est une actrice à la carrière prometteuse qui refuse de voir le danger grandissant qui l’entoure en Europe. Son frère l’implore de revenir en Amérique, et il implore aussi son ami Martin de l’aider, mais ce dernier reste sourd à ses supplications écrites, et finit par causer la mort de sa douce en refusant de s’impliquer. Max concoctera donc une terrible et ingénieuse vengeance, qui vient clore la pièce comme un coup de massue.
Les deux acteurs sont seuls sur scène et lisent leurs lettres, bien installés chacun dans leur boudoir d’un autre âge. Difficile de faire plus simple, mais ça fonctionne! L’éclairage les illumine quand c’est à leur tour de répondre, et on pourrait croire qu’un tel procédé narratif pourrait devenir morne et ennuyeux, mais c’est sans compter sur toutes les nuances vocales dont sont capables nos deux acteurs vétérans.
Patrick Timsit, qui ne manque jamais de travail et a entre autres joué dans pas mal d’œuvres d’Alain Corneau au grand écran, nous fait complètement décrocher des rôles plus comiques dans lesquels nous sommes habitués de le voir, et sa voix éraillée transmet toute l’incompréhension du monde lors de ses plaidoyers avec son ami qui s’éloigne tristement. Thierry Lhermitte a lui aussi une voix particulière, reconnaissable les yeux fermés, ici d’une gravité profonde, qui va de pair avec sa stature. L’impression de sympathie qu’il dégage, tout d’abord, se transforme lentement, aux yeux du spectateur, en dégoût, preuve que les ressorts dramatiques de l’ensemble sont bien huilés, et que l’antisémitisme ambiant de l’époque est plus répugnant que jamais.
Reste une intro filmée, un peu longue, pendant laquelle une longue mise en contexte historique un peu superflue a lieu. On y évoque trois personnages vraisemblablement aléatoires qui, dit-on, nous aideront à saisir le drame en cours, mais qui n’ont ensuite aucun lien avec les personnages de la pièce. Plaît-il?
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de la rédaction