«Incendies», dans une mise en scène d'Inès et d'Elkahna Talbi chez Duceppe: l'amour au-delà de la douleur – Bible urbaine

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«Incendies», dans une mise en scène d’Inès et d’Elkahna Talbi chez Duceppe: l’amour au-delà de la douleur

«Incendies», dans une mise en scène d’Inès et d’Elkahna Talbi chez Duceppe: l’amour au-delà de la douleur

Un spectacle troublant qui nous marque pour la vie

Publié le 4 novembre 2024 par Flavie Boivin-Côté

Crédit photo : Danny Taillon

Il y a de ces pièces qui marquent des générations au grand complet par leur justesse, la profondeur de leurs propos, et leur grande poésie. C’est le cas d’«Incendies» de Wajdi Mouawad. Alors que le spectacle est repris ces jours-ci chez Duceppe par les metteuses en scène Inès et Elkahna Talbi, c’est l’occasion pour le public québécois de renouer avec ce récit troublant qui habite depuis plus de deux décennies notre imaginaire collectif.

Lorsqu’elle est décédée, cela faisait cinq ans que Nawal Marwan ne parlait plus. Pour ses deux enfants de 22 ans, Jeanne et Simon, elle reste un grand mystère. Qui était cette femme? Pourquoi a-t-elle choisi de se taire et de s’enfermer dans le silence?

Sa mort est le début d’une quête infiniment complexe et périlleuse qui changera à jamais le destin des deux jumeaux.

Dès les premières scènes, les sœurs Talbi captent l’essence du texte original, tout en y apportant une sensibilité unique.

Photo: Danny Taillon

Le décor minimaliste une série de blocs détachables pouvant se transformer en montagne, en maison, en lit d’hôpital ou même en tribunal , utilisé avec une grande intelligence, permet aux émotions des personnages de prendre le devant de la scène.

Les jeux de lumière, subtils et percutants, accentuent les moments de tension et de révélation, créant une atmosphère à la fois intime et universelle.

Des costumes qui veulent tout dire 

C’est une Dominique Pétin troublante de vérité qui interprète le rôle de Nawal, de même que toutes les Nawal de l’histoire, de 14 à 65 ans. En la plaçant ainsi au cœur du récit, les metteuses en scène nous racontent une histoire qui conjugue l’horreur de la guerre et l’inaltérable cycle de la violence avec le pouvoir inouï de l’amour.

Ce personnage inoubliable nous transporte directement au Liban, alors déchiré par la guerre. Cette femme de lumière condamnée à la noirceur est vêtue d’habits traditionnels et drapée de tissus aux inscriptions écrites en arabe qu’on devine lourdes de signification.

Jeanne (Sabrina Bégin-Tejeda) et Simon (Neil Elias), quant à eux, sont toujours vêtus très sobrement, souvent habillés de noir et de blanc. Jeanne est une jeune surdouée, chargée de cours en mathématiques pures à l’université. Simon, lui, est un boxeur amateur qui transpose toute sa colère envers sa mère en se dévouant dans un sport et en lançant des insultes qu’il maîtrise à la perfection.

Lorsque le notaire Hermile Lebel (Denis Bernard) leur annonce que la dernière volonté de leur mère c’est que les jumeaux retrouvent leur père et leur frère, la vie des deux jeunes adultes est complètement chamboulée.

Photo: Danny Taillon

Le travail sur les costumes, très souvent taillés dans des tissus vaporeux qui donnent des allures spectrales aux personnages féminins de l’histoire, est magistral. L’utilisation de tissus rouges pour symboliser tour à tour des fœtus, du sang, des larmes et de l’eau, dans une mise en scène où le noir et le blanc priment, vient capter l’attention du spectateur à la manière de la fameuse «cape rouge» de La Liste de Schindler.

La douleur du deuil, de la guerre, de la mort et de l’inceste ne passera jamais inaperçue. Elle nous saute au visage comme le nez d’un clown au milieu de sa figure.

Ce nez de clown qui, d’ailleurs, est la seule chose que Nawal ait pu laisser à l’enfant qu’on lui a arraché lorsqu’elle n’était encore qu’une adolescente. Ce nez rouge vif qui la hantera jusqu’à la fin de sa vie.

Un contexte particulier

Le contexte sociopolitique actuel du conflit israélo-palestinien, qui s’est étendu jusqu’au Liban durant les derniers mois, a eu un impact considérable sur les choix scénographiques de la pièce.

À l’entrée des spectateurs et spectatrices chez Duceppe, il y a notamment une merveilleuse exposition, Briser le silence, mettant en lumière le travail d’une jeune artiste visuelle palestinienne, Bayan Abu Nahla, qui utilise son art pour dénoncer la situation politique de son pays.

Ces dessins, réalisés au cours des deux dernières années dans la bande de Gaza, sont absolument saisissants et nous forcent à voir le monde à travers les yeux de cette jeune femme brillante qui, à l’heure actuelle, vit toujours en exil en raison des conflits qui perdurent dans son pays natal.

Photo: Danny Taillon

Inès et Elkahna Talbi réussissent avec brio à renouveler cette pièce déjà culte en lui insufflant une modernité et une pertinence qui trouvent un écho particulier dans notre époque actuelle. Incendies chez Duceppe est une expérience théâtrale inoubliable, qui interpelle, qui émeut et qui pousse à la réflexion. 

La pièce «Incendies» chez Duceppe en images

Par Danny Taillon

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