ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Andrée Lanthier
1973, la même année que le tragique incendie criminel au Up Stairs Lounge de New York, qui laissa sans vie trente-deux personnes. Les hommes gais qui s’affichent ouvertement sont l’objet de railleries dans la culture populaire et à peine tolérés dans certains quartiers. Ce n’est guère différent à Montréal, où les quelques clubs gais se trouvant au centre-ville migrent lentement vers l’est, vers ce Village qui n’existe pas encore.
Tout le drame part du fait qu’Hosanna, un travesti occasionnel qui est coiffeur de jour, et qui s’appelle réellement Claude, s’est vu humilié par sa communauté pendant une soirée de cabaret, avec la complicité de son amoureux. Ce dernier, un «cuir» justement surnommé Cuirette, vit à ses crochets depuis quelques mois, et est un peu devenu le souffre-douleur d’Hosanna.
L’hostilité ouverte qui flotte entre eux éclatera comme un ballon trop gonflé, et la nuit qu’ils s’apprêtent à vivre sera le théâtre d’une querelle épique où tous les reproches refoulés et accumulés seront distribués avec une violence verbale inouïe.
À la fois un drame intimiste et l’habile portrait d’un milieu, cette version, mise en scène par Mike Payette, bénéficie d’une extraordinaire interprétation d’Éloi Archambaudoin dans le rôle-titre, et de Davide Chiazzese dans la peau de Cuirette. Ce dernier pourrait être une triste caricature de biker qui déplore que les lumières installées dans le parc La Fontaine l’empêchent de forniquer dans l’ombre avec des inconnus, mais il se révèle complexe et vulnérable, avec une présence scénique écrasante.
L’épineuse question de l’identité sexuelle, qui est au cœur des thèmes de la pièce, est toujours aussi actuelle de nos jours, sinon plus; on est donc passablement stupéfaits de constater que si le texte de Michel Tremblay a pris quelques minuscules rides, ses enjeux nous interpellent toujours autant.
Les quiproquos qui se dressent sur le chemin de l’harmonie domestique entre Claude et Cuirette sont principalement dus à un manque de communication, mais aussi à un dégoût de soi, et à un refus de s’affirmer et de s’afficher comme hommes gais au sein d’une société encore rébarbative à les accepter.
Un enjeu qui s’est passablement amélioré depuis l’écriture de la pièce, mais à propos duquel la société a malheureusement encore beaucoup de chemin à faire.
«Hosanna» en photos
Par Andrée Lanthier
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de la rédaction