«Hamlet est mort. Gravité zéro» au Théâtre Aux Écuries: un chaos organisé – Bible urbaine

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«Hamlet est mort. Gravité zéro» au Théâtre Aux Écuries: un chaos organisé

«Hamlet est mort. Gravité zéro» au Théâtre Aux Écuries: un chaos organisé

Publié le 17 octobre 2012 par Alice Côté Dupuis

Réunis sur une même scène pour 1h26 de performances d’acteurs impressionnantes, Dany Boudreault, Sophie Cadieux, Normand Daoust, Sébastien Dodge, Eve Landry et Monique Spaziani en offrent plein la vue dans cette pièce de l’auteur autrichien Ewald Palmetshofer. Chargée en émotions, mais aussi en contenu flou, «Hamlet est mort. Gravité zéro» n’accroche pas facilement, malgré des acteurs captivants.

Impossible de résumer en une phrase l’histoire ou même le message qu’il faut retenir d’«Hamlet est mort. Gravité zéro». Si la typique réunion de trois couples, en l’occurrence Mani et Dani, des frères et sœurs; Caro et Karl, leurs parents; et Oli et Gaby, un couple marié qui attend «quelque chose» (comme un bébé), est la base de l’histoire, la prémisse de cette réunion est moins claire. On parle au spectateur de l’anniversaire de la mère de Caro, qui a 95 ans et qui ne crèvera donc jamais, et de la mort d’un ancien ami de Mani (Sébastien Dodge) et Dani (Eve Landry) qui est mort. Tiens, voilà, c’est là que tout a commencé: aux funérailles de cet ami au nom insaisissable (Hainus? Anus? Agnès?), ils ont tout bonnement rencontré Oli (Dany Boudreault) et Gaby (Sophie Cadieux), ce couple trop parfaitement complémentaire, avec qui ils formaient jadis un quatuor inséparable. Mais est-ce vraiment là que tout a commencé?

Très théorique et philosophique, «Hamlet est mort. Gravité zéro» offre de nombreuses réflexions sur la vie, sur le luxe, le bonheur, l’instant présent, la mort, et sur le rôle qu’on joue dans la vie: «Comment quelqu’un peut encore avoir envie d’allumer un lampion pour se dire ‘‘je suis dans l’instant de marde’’. À chaque criss d’instant t’es dans l’instant!» Les personnages mis à l’écart, éclairés pendant que les autres sont dans la noirceur, la pièce est truffée de monologues plus ou moins longs contenant ces réflexions sur la société et sur la vie, ces comparaisons entre le destin et les mathématiques, par exemple («L’avenir, c’est un dérivé de la fonction de l’instant présent»), qui demandent déjà une attention particulière pour tout saisir, mais qui sont en plus livrés avec un débit très rapide. Les réflexions alourdissent donc le contenu, mais permettent par le fait même aux acteurs d’offrir des performances saisissantes.

C’est dans cet état d’esprit que le père de famille (Normand Daoust) scande dès le début «c’est impossible de conter l’avenir, ni le présent qui est trop court et qui devient du passé tout de suite. Il faudrait que quelqu’un m’explique où commence le passé». Ce passé dont il parle, celui qui regarde leur situation à ce moment-là, avec la mort de l’ami et les retrouvailles avec Oli et Gaby, le spectateur le saisit de plus en plus, au fur et à mesure que la pièce avance, et comprend où il a véritablement débuté. Mais pour cela, il faut porter attention, parce que «Hamlet est mort. Gravité zéro» est une véritable autoroute de la réplique. Avec un timing incroyable, réglé au quart de tour, les acteurs se coupent la parole continuellement, ne terminent pas leurs phrases ni leurs idées, sautant du coq à l’âne, du passé au présent, de l’explication en parlant directement au spectateur à la scène elle-même, telle qu’elle est survenue. Difficile à suivre, certes, mais bien rythmé et agréable à regarder, au moins, en raison du jeu des acteurs.

Si Sophie Cadieux et Dany Boudreault constituent les éléments drôles de cette pièce qui nous apprend que trouver l’amour, «c’est une question de gravité», parce que ça nous tombe dessus, les performances de la sublime Landry, du sarcastique Dodge, de l’impeccable Spaziani et du surprenant Daoust ne sont pas à négliger. Tous comiques, théâtraux, et dramatiques à leur façon, ils constituent véritablement la force de cette pièce de théâtre et réussissent à livrer avec conviction un texte confus et abstrait, ce qui n’est pas une mince affaire. Les éclairages pensés par Marie-Aube St-Amant Duplessis et la mise en scène de Gaétan Paré sont également à souligner, car à défaut de comprendre l’intégralité de l’œuvre autrichienne, ils ont fait d’«Hamlet est mort. Gravité zéro» un spectacle fort agréable à regarder.

Pour découvrir «Hamlet est mort. Gravité zéro», ses acteurs talentueux, ses questionnements sur notre rôle à jouer dans la vie et sa fin inattendue, il faut se rendre au Théâtre Aux Écuries d’ici le 3 novembre 2012.

Appréciation: ***

Crédit photo: Marie-Claude Hamel

Écrit par: Alice Côté Dupuis

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