«Gunshot de Lulla West (pars pas)»: une virée d’enfer au Far West – Bible urbaine

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«Gunshot de Lulla West (pars pas)»: une virée d’enfer au Far West

«Gunshot de Lulla West (pars pas)»: une virée d’enfer au Far West

Publié le 15 avril 2011 par Éric Dumais

C’est dans l’ambiance sombre et épurée de la salle intime du théâtre Prospero que nous avons assisté hier soir à la deuxième représentation de la pièce Gunshot de Lulla West (pars pas), présentée par Le Laboratoire, théâtre de (ré)création contemporaine. Transportés dans un Far West imaginaire, les spectateurs ont assisté, l’espace d’une heure et demie environ, à une satire d’un monde farfelu, où les cowboys et les musiciens de country se promènent avec un poisson sur la tête.

Deux cowboys au cœur de pierre

Elle, c’est Lulla White. Une chanteuse de country aux idées folles. C’est une rêveuse, une fonceuse, mais aussi une crisse de folle, une sale bitch, une whore. Lui, c’est Jessy White, l’alcoolo, le déglingué, le tout croche, « I’m le violent », comme il s’amuse à le dire lui-même à un certain moment du récit. Elle, Lulla, porte un chandail en léopard et des bottes de cowboy noires, lui, Jessy, des jeans gris troués et un t-shirt noir du groupe death métal Dimmu Borgir. Lulla et Jessy sont frère et sœur, deux âmes perdues dans les contrées lointaines d’un Far West oublié, où les fantômes de la famille White, hélas!, semblent flotter dans l’infini pour toujours.

Une histoire sans queue ni tête

Le récit débute dans une salle de spectacle où Lulla et Jessy ont offert un concert électrisant quelques minutes plus tôt. Assez décoiffant, du moins, pour que Lulla s’emporte au micro et que Jessy dorme à poings fermés, assis par terre, le visage appuyé contre sa guitare. Et nous, nous représentons un public silencieux comme des statues de marbre, aussi inerte, bref, qu’une pierre au bord d’un chemin. Et Lulla, fébrile à l’idée d’avoir donné une excellente prestation, nous remercie dans un jargon composé d’anglicismes, de jurons et de vulgarités grosses comme le bras. Mais, en réalité, elle s’est plantée, où plutôt ils ont merdé, les deux, à cause de la conduite déraisonnable de Jessy. Car il abuse de tout celui-là : de l’alcool, mais aussi de la bonne volonté de sa sœur Lulla, des filles et de la violence.

Leur vie misérable, enduite de boissons et de ratés, prendra un tournant plutôt olé olé lorsque David Walker, un fan fini du groupe, laissera entendre aux deux musiciens son désir de leur donner un vrai coup de pouce. Les sortir de la fange, de la misère, bref, être leur manager, les emmener au top et faire d’eux les prochaines vedettes d’un American Idol imaginaire. Mais l’annonce de leur mère atteinte d’une pneumonie virale les ramènera à une triste réalité, celle d’un retour non prémédité vers leur ancienne demeure et leurs anciens fantômes, où ils rencontreront Rouge-Gorges, l’infirmière follement éprise de Jessy, qui veille (supposément) au chevet de leur mère mourante.

Une virée d’enfer au pays du jargon

Il faut avouer que le jeu des acteurs était d’une précision réellement époustouflante. C’était non seulement dans la diction, mais aussi dans la façon dont les comédiens se comportaient qu’ils étaient tous, à un moment où l’autre de l’histoire, vraiment sublimes à regarder. Le langage de la pièce est très cru, très limité, très anglicisé, mais ô combien percutant. Et c’est ce qui rend encore plus réaliste cette histoire aux allures de western spaghetti à la Sergio Leone. Pensez au film La loi du cochon d’Érik Canuel, ou à Comment appeler et chasser l’orignal de Sylvain Houde. Dans Gunshot de Lulla West (pars pas), on est à la frontière entre ces deux récits fort différents, mais pourtant si ressemblants. L’univers de Lulla et de Jessy est crasse, noir et complètement abject, sauf qu’il y a quand même un espoir, ou une lueur d’espoir. Mais leur vie au Far West, c’est tout de même le fond du baril, la dernière goutte, ni plus ni moins.

Côté technique, la mise en scène était très épurée. Une miniscène à l’arrière-plan, surmontée d’une petite façade au milieu de laquelle on retrouvait une fenêtre, occupait l’espace en entier. Sinon, dispersés ici et là, traînaient de vieilles bouteilles de bière, des caisses en carton, des pneus et des cochonneries. C’est tout, mais quand même suffisant, car la vie de Lulla et Jessy est vide de sens, un peu comme la présence de tous ces objets inutiles, d’ailleurs.

Le récit bidonnant de Jessy et son pote Python

L’humour est pas mal au rendez-vous dans cette pièce éclatante de la metteure en scène Eugénie Beaudry, et l’histoire racontée par Jessy, vers le milieu du récit, s’avère un pur délice. En effet, alors qu’un jour son pote Python et lui sont saouls, ils décidèrent, tels deux gigolos du Far West, de faire une balade en camion et de jouer quelques tours pendables. De sales tours, en réalité. Ils enroulèrent donc des bâtons de dynamite dans des feuilles de papier d’aluminium avec l’intention de les lancer par la fenêtre, juste pour voir. Et…

… Si vous voulez connaître la suite de l’histoire et rire comme de vrais écervelés, vous avez encore jusqu’au 30 avril pour le faire. Faites vite, car il n’est pas certain que Lulla, qui a la mauvaise habitude de s’échauffer rapidement, vous attende encore patiemment. Et que dire de Jessy, qui doit déjà ronfler non loin d’un amas de bouteilles de bière…

Au moins, vous avez été avertis. Êtes-vous prêts pour une virée d’enfer au Far West?

Appréciation: ****

Gunshot de Lulla West (pars pas)
À la salle intime du théâtre Prospero
Du 13 au 30 avril 2011
Billetterie : 514-526-6582

Crédit photo: Valérie Grig

Écrit par: Éric Dumais

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