Critique de la pièce «Grâce à Dieu, ton corps» à la Cinquième Salle de la Place des Arts: l’union du corps et de l’esprit – Bible urbaine

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Critique de la pièce «Grâce à Dieu, ton corps» à la Cinquième Salle de la Place des Arts: l’union du corps et de l’esprit

Critique de la pièce «Grâce à Dieu, ton corps» à la Cinquième Salle de la Place des Arts: l’union du corps et de l’esprit

Publié le 2 février 2011 par Éric Dumais

Les lumières se sont éteintes, tranquillement. Un homme, à droite, entre sur la scène, une marionnette en bois dans les mains. Une femme, à l’opposé, s’avance en même temps que lui, elle aussi munie d’une petite marionnette dans les bras. Ensemble, ils se rejoignent au centre de la scène, à pas feutrés, où repose un grand rectangle, qui fait un peu penser à un cadre gigantesque. Dissimulés derrière celui-ci, l’homme et la femme s’activent à faire bouger les marionnettes, leur donnant ainsi un droit à la vie, aux mouvements, au grand déploiement du corps, bref, à une dimension plus élevée encore que leur simple condition d’objet. Et c’est malgré eux, dans un désir d’ascension sans fin, que les deux marionnettes se laissent manipuler, toujours avec grand soin, par les mains agiles des deux interprètes. Ensemble, elles bougent, se touchent, se caressent et s’élèvent dans les airs, voltigeant au rythme des doigts agiles de leur destinée.

Dans la pièce Grâce à Dieu, ton corps, plusieurs histoires se jouent en parallèle. D’abord, celle d’un couple d’amoureux (David Rancourt et Natalie Zoey Gauld), qui vit sous nos yeux les étapes normales d’une relation amoureuse. Silencieusement, c’est avec intimité et réserve que le couple s’évertue à vivre sa passion, qui passe de l’euphorie au désir, de la trahison à la colère, de la tristesse au pardon, pour finalement aboutir au tableau final de la vie (éphémère), la mort. D’ailleurs, les sentiments et les émotions des deux personnages se jouent de façon muette, sans texte ni paroles. Tout est joué, interprété, dansé. L’énergie du tandem est ressentie jusque dans nos entrailles, et c’est justement avec nos tripes que l’on doit la vivre. Il y a de plus un côté exploratoire et expérimental à la pièce, qui nous permet de laisser libre cours à notre imagination et de nous détendre, calmement et sagement, au rythme des pas de danse des cinq interprètes.

Alors que les éléments se mettent en place, que l’histoire s’épanouit telle une fleur en pleine floraison, les deux danseurs (principaux) rencontrent d’autres personnages, tout aussi intenses, lesquels sont interprétés par Benjamin Kamino et Erika Morin. Les quatre interprètes danseront ainsi ensemble, chacun leur tour et séparément, dans un maelstrom tout en danse et en musique d’une beauté aveuglante. Bien sûr, malgré cette magnifique communion des corps, les danseurs se livrent inlassablement à un combat perpétuel, celui de la vie, de la passion, du corps.

Parallèlement à cette lutte charnelle d’une beauté étonnante, nous avions également droit à de courts tableaux, où les marionnettes volaient, pendant un court laps de temps, la vedette à ses deux danseurs fort énergiques, au potentiel presque illimité, à couper le souffle. Ces créations, d’une beauté sidérante, sont signées Marcelle Hudon et Claude Rodrigue. Et c’est Paul-Antoine Taillefer, cofondateur et directeur général de Pigeons International, qui manipulait les marionnettes.

La pièce Grâce à Dieu, ton corps, est un hymne à la vie, un vibrant hommage fait au corps, mais aussi à une dimension encore plus sacrée, celle de la transcendance de l’esprit sur le corps. Au départ, la metteure en scène Paula de Vasconcelos avait dans l’idée de traiter de la thématique de la mort, en créant une chorégraphie spéciale et unique à travers laquelle le spectateur pourrait se reconnaître, mais aussi vivre une dimension spirituelle beaucoup plus noble que sa condition humaine (mortelle). Et c’est grâce au corps, cet instrument de la vie, qu’elle pouvait l’exprimer pleinement.

Les chorégraphies des quatre danseurs étaient belles à voir, car ressenties, sensibles, énergiques, vivantes. On ressentait jusqu’au plus profond de notre âme la complicité qui émanait de leur corps respectif, et c’est probablement ce qui nous a permis d’apprécier d‘autant plus le spectacle. Il ne faut pas oublier que la musique (Penguin Café Orchestra, Beirut, Bon Iver, Zbigniew Preisner) représentait elle aussi un atout majeur, car elle semblait avoir été écrite spécialement pour chaque scène, chaque tableau, chaque moment qui passe. En majorité instrumentales, les chansons se succédaient l’une après l’autre, dans un enchaînement logique et toujours bien mesuré, et donnaient le ton juste à chaque scène qui se déroulait sous nos yeux.

Grâce à Dieu, ton corps est une pièce qui porte à réfléchir et qui nous permet de nous questionner un peu plus sur notre condition humaine, sur nos rapprochements avec autrui, mais aussi sur notre dimension sacrée, la dimension spirituelle, celle de l’âme et l’esprit. Vous avez jusqu’au 19 février pour venir assister à ce tableau vivant, à cet hommage chaleureux et vrai de la vie et de la passion humaine.

Du 1er au 19 février 2011
À la Cinquième Salle de la Place des Arts
www.cinquiemesalle.com

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