ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Josefina Tommasi et Véronique Ellena
Parmi les 19 interprètes de la distribution de Gala, 14 sont des danseurs amateurs montréalais âgés de 4 à 80 ans, recrutés il y a quelques semaines par l’équipe du FTA. Dans une volonté de représenter la diversité des imaginaires du corps et de créer une communauté temporaire de corps hétéroclites, le spectacle met en vedette un jeune trisomique, des enfants, une Africaine, une femme en fauteuil roulant, des obèses, des danseurs professionnels des Ballets Jazz de Montréal… tous prêts à montrer le résultat de quatre répétitions en salle. Ce court temps de préparation fait partie du processus de création du chorégraphe qui tient à ce que le corps conserve une grande part de spontanéité dans son expression non verbale.
Gala prend la forme d’un spectacle scolaire de fin d’année, alors que l’important n’est pas de réussir à danser parfaitement, mais d’essayer de faire de son mieux. La démarche créative de Bel nécessite un lâcher-prise de la part des interprètes au profit de l’authenticité de leur présence en scène. Le plus grand défi des danseurs amateurs est d’ailleurs sans doute de rester eux-mêmes, avec toute la vulnérabilité que cela implique. Toutefois, le regard que pose le public sur le spectacle est bienveillant, comme le serait celui d’un parent sur son enfant.
Mais avant de commencer, un diaporama de photos de scènes de théâtre est présenté sur scène, sans son ni musique. Défilent sur un écran une série de salles: un théâtre de fortune aménagé dans un parc, des praticables installés dans un sous-sol d’église, une scène typique de théâtre japonais, un amphithéâtre grec en plein air… Toutes ces images ont la particularité d’être de qualité discutable, souvent mal cadrée ou un peu pixelisée. Puisque le spectacle ne possède pas de scénographie, cette partie préliminaire permet de nourrir l’imaginaire du spectateur afin qu’il puisse choisir à quoi ressemblerait la scène où il désirerait voir se dérouler le fameux «gala» que propose Bel. Quoiqu’un peu longue, cette partie a le mérite de montrer que la danse ne se pratique pas toujours dans des endroits idéaux et adaptés pour elle.
Lorsque le rideau se lève, tous les interprètes défilent tour à tour sur scène pour effectuer leur interprétation d’une figure ou d’un mouvement associé à l’histoire de danse: un saut de ballet, la moon walk de Michael Jackson, une valse. Si certains des interprètes laissent transparaître certaines hésitations ou une légère gêne, tous finissent par s’abandonner au plaisir d’être au centre des regards et de l’attention du public, qui les acclament et les encouragent. Le plaisir sur scène contamine immédiatement les spectateurs qui rient, commentent, tapent des mains et se dandinent sur leur siège.
Pour Jérôme Bel, la manière de danser d’un individu en dit beaucoup sur sa personnalité, surtout lorsque celui-ci n’a jamais suivi de cours et ne se laisse pas influencer par les codes et les conventions de la danse classique et contemporaine. Les costumes colorés, moulants et tape-à-l’oeil choisis par les interprètes montrent qu’ils se prêtent au jeu du spectacle par plaisir, sans se prendre véritablement au sérieux.
Plusieurs interprètes sont mis en valeur dans la dernière partie de Gala, grâce à des «solos de chorégraphe» durant lesquels un danseur propose son interprétation d’une musique de son choix et entraîne tout le reste de la troupe à le suivre. Des airs d’opéra côtoient du Stromae ou des thèmes de comédies musicales. Le décalage entre la maîtrise du «chorégraphe» et la tentative désespérée des gens qui tentent de l’imiter frôle parfois le ridicule, mais c’est justement cela qui donne toute sa force au spectacle et qui donne envie que la soirée se poursuive encore et encore.
Avec son énergie festive contagieuse, Gala consiste en un choix tout indiqué pour clore l’édition 2016 du FTA.
L'événement en photos
Par Josefina Tommasi et Véronique Ellena
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