ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Cath Langlois
Extras et Ordinaires, c’est l’histoire d’un jeune garçon qui mène une vie plutôt comme les autres… à une chose près: sa mère est dépressive et a des idées suicidaires. D’abord naïf et candide, l’enfant croit avoir trouvé la solution aux problèmes de sa mère. Il lui fera une liste de toutes les choses, actions, endroits ou situations, que ceux-ci soient extras ou bien ordinaires, qui font, pour lui, que la vie vaut la peine d’être vécue.
Malgré les réactions peu convaincantes de sa mère, il s’obstinera à lui mettre sous le nez, par des post-its, des notes, des mots, tout ce qui pourrait, à son avis, lui redonner le goût de la vie. Seulement, en grandissant, notre protagoniste sera forcé de constater qu’il faut malheureusement plus que sa belle volonté pour sauver sa mère.
Extras et Ordinaires a beau aborder sans détour les thèmes sombres de la dépression et du suicide, c’est vraiment sur la fameuse liste de choses lumineuses que nous portons notre attention. «Les ballounes d’eau», «La couleur jaune», «Avoir le droit de se coucher tard pour écouter la télé» sont des exemples d’éléments de la liste, et ils nous restent en tête, en grande partie grâce à la dimension participative majeure de la pièce. Lorsque c’est nous qui énonçons tout haut ces éléments devant toute la salle, il devient effectivement évident que nous nous en souviendrons.
C’est que le public est sollicité comme rarement on l’a vu l’être. Parfois, il est invité à dire tout haut une phrase qui lui est attribuée, et d’autres fois, quelques spectateurs seront carrément amenés à jouer un vétérinaire, une amoureuse, une intervenante et à répondre à des questions le mieux qu’ils pourront. Les mille éventualités de réponses des spectateurs sont précisément ce qui rend la représentation si unique: d’un soir à l’autre, la pièce change. Chaque représentation devient une surprise pour les spectateurs, mais tout autant pour le comédien.
C’est d’ailleurs avec habileté et débrouillardise que Jonathan Gagnon rebondit sur les réponses (souvent inusitées, on peut l’imaginer!) des spectateurs qu’il entraîne sur scène. Car en s’exposant à tant de possibilités, il ne fait ni plus ni moins que se jeter dans le vide. On se dit que même s’il avait pu répéter encore pendant dix, vingt ans, rien n’aurait pu prévoir les répliques et les réactions des plus originaux, des plus rebelles des membres de l’assistance. Le risque, le vide et le danger, cependant, ne semblent pas intimider Jonathan Gagnon.
Nous pourrions, comme tout bon spectateur venu assister (et rien de plus) à une pièce de théâtre, être apeurés par cette participation soudainement annoncée. Nous pourrions nous faire tout petit dans notre siège dans l’espoir que Jonathan Gagnon ne nous entraîne pas sur scène. Ce n’est cependant pas le cas; on se surprend même à presque vouloir aller jouer avec le comédien.
L’atmosphère conviviale et très intime créée par la configuration des gradins en cercle – ce qui évoque davantage le rassemblement que le spectacle en tant que tel – favorise un contact fort entre le public et le personnage. Il faut également dire que l’attitude plus que chaleureuse de Jonathan Gagnon ne nuit pas du tout à cela non plus.
Avec Extras et Ordinaires, chaque représentation est donc un privilège. Tout ce à quoi on assiste ne surviendra plus, du seul fait que le public ne sera pas le même la prochaine fois. Maryse Lapierre a réussi à créer un cocon de confidence et d’intimité où bonheur et malheur se côtoient, mais surtout où le personnage et le public se côtoient.
Et c’est précisément ce contact précieux qui fait tant sourire.
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Par Cath Langlois
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