ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Colin Earp-Lavergne
On se doutait bien que la trilogie que propose Duret pendant une petite heure à La Chapelle n’allait pas avoir le souffle épique du Seigneur des anneaux, ou la complexité narrative des Kingkiller chronicles de Patrick Rothfuss, mais nous étions quand même intrigués de découvrir le résultat de ce questionnement sur notre rapport au temps en tant qu’être humain.
Une préoccupation très contemporaine qui nous hante longtemps, en cette époque d’éphémère et d’instantané, où chacun se plaît à se prétendre davantage occupé que son prochain.
Fondateur du Théâtre du Baobab, l’auteur et metteur en scène arrive dans la salle complètement nu. Dans un coin de la scène, des bassins d’eau dans lesquels sont doucement déversés de minces filets produisent des clapotis hypnotiques qui font office d’ambiance sonore, et une panoplie d’accessoires hétéroclites se trouve empilée dans un autre coin.
Nous assistons à la naissance, puis aux découvertes attentives d’un bébé. La charge érotique potentielle de son sexe au repos, que l’on peut admirer sous toutes ses coutures, est efficacement désamorcée par ses nombreux spasmes et son grand corps qui se tortille dans le plus simple appareil.. C’est le premier tableau, qui évoque la nostalgie de l’enfance et la simplicité de nos petites fascinations d’enfant.
Les lumières sont ensuite tamisées, et la chanson Oarca de Polmo Polpo retentit tandis que la salle est alternativement plongée dans la noirceur, avec des illuminations sporadiques et colorées, tandis que le dramaturge appose soigneusement au plancher des morceaux de plastique qui ressemblent à des fragments d’un immense miroir éclaté. Ce tableau semble symboliser, selon le programme, la réussite et l’âge adulte, mais les parallèles sont moins évidents sur scène que sur papier.
Le tableau final, où un montage sonore diffuse des enregistrements de sympathiques vieillards qui lancent des remarques sur la vieillesse, parfois interrompus par une version ralentie de Have you seen the rain de CCR, est le plus accessible. Il nous confronte à notre propre phobie de la mort, en nous rappelant que plus le temps passe, moins nous avons d’occasions de rayer des items de notre bucket list.
Pendant cette conclusion ambivalente, des phrases sont projetées sur le rideau du fond, et l’une d’entre elles nous marque particulièrement: «L’existence nous broie, mon amour». Faut-il se réjouir de notre lucidité, ne pas s’en faire de voir le temps filer entre nos doigts comme le sable d’un inéluctable sablier, ou plutôt s’en désespérer?
C’est au spectateur que revient ce choix, et la titanesque tâche de se poser des questions sur sa propre existence en explorant les quelques pistes sur lesquelles l’auteur le lance.
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de la rédaction