ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : François Larivière
Impossible de ne pas se reconnaître dans les saynètes imaginées par François Archambault (La Société des loisirs, 15 secondes), tant les situations imaginées collent à des centaines d’autres vécues par un voisin, un oncle et une tante, un collègue, bref, par tous. Si elles sont exagérées et finissent toujours par déraper, ce qui créé presque invariablement un éclat de rire généralisé, les scènes agissent aussi d’une certaine façon comme un miroir de notre société. Une société dans laquelle avoir un enfant est un passage presque obligé, mais qui est loin de venir avec un manuel d’instructions.
On passera donc à travers tous les doutes: l’époque dans laquelle on vit, où «les enfants n’ont plus le temps d’être des enfants, on dirait qu’il faudrait qu’ils aient leur premier iPod à 4 ans, se mettent du rouge à lèvres à 5 ans et aient un tattoo à 6 ans»; la violence qui est omniprésente dans les jeux et jouets avec lesquels s’amusent les gamins; l’âge auquel l’éducation sexuelle doit se faire et si les sites pornographique sont un bon exemple à donner, ou encore le langage et ses anglicismes (looser, game) et mauvais usages («tu penses-tu?»), à tolérer ou réprimander. Si les tableaux sont pour la plupart plutôt drôles et qu’on sent le plaisir véritable des quatre comédiens sur scène à livrer ces histoires tantôt farfelues, tantôt tristes de vérité, il faut dire qu’ils ne réinventent pas la roue.
Ces questionnements apportés par Archambault, ils sont universels et traités en abondance dans tous les autres médias. Ainsi, c’est sans doute l’humour qui aidera Enfantillages à se démarquer, mais plusieurs éléments briment malheureusement sa trame humoristique. C’est le cas des monologues qui se veulent touchants durant les changements de scène, mais qui n’arrivent jamais à leur fin en raison d’un autre comédien qui s’immisce dans l’intimité du moment, tantôt vêtu d’une mascotte de vache, tantôt lançant des balles au comédien qui se confie aux spectateurs à propos de son enfance. C’est aussi le cas des jolies balles de plastique colorées qui, à trois reprises, tombent en cascade et avec fracas du plafond, mais qui jonchent ensuite le sol jusqu’à la toute fin, encombrant la surface de travail et gênant les déplacements autant des meubles que des comédiens et qui, au final, ne servent à rien d’autre qu’à un moment de franche camaraderie entre les quatre acteurs, à la toute fin, alors qu’il se les lancent, comme de vrais enfants.
Heureusement que l’amitié entre Luc Bourgeois, Louise Cardinal, Sébastien Gauthier et Mélanie St-Laurent est palpable, car elle contribue grandement à faire d’Enfantillages un agréable amusement malgré tout. Alors qu’ils parlent à l’unisson au tout début et à la toute fin de la pièce, faisant, en rimant, des révélations aux enfants sur leur conception, le spectateur ne peut qu’être saisi par la force des paroles, autant du texte que des voix qui le porte. Tour à tour durant le spectacle, chacun des comédiens incarnera un personnage coincé, un exubérant, un stressé, un plus doux ou un très vulgaire, mais toujours ils se démarqueront par l’authenticité de leur jeu. Même grâce à des détails plus subtils, comme un Sébastien Gauthier presque muet en père dont la fille est portée disparue et qui, la mine basse et le regard véritablement triste, nous brise le cœur, chaque comédien sait tirer son épingle du jeu. Il faut également mentionner la musique d’Yves Morin et Frédéric Blanchette qui, au son de ses xylophones et flûtes qui rappellent le caractère enfantin des situations, supporte à merveille les actions.
Si les saynètes d’Enfantillages ne formeront pas le futur manuel d’instructions de la parentalité, elles pourraient tout de même faire prendre conscience que procréer est une lourde responsabilité, aux impacts majeurs sur la vie, et que ça génère une quantité infinie de questionnements pour les parents. Mais est-ce un fardeau pour autant? Plutôt une délivrance, nous dit Enfantillages, car l’enfant met fin à la solitude et aux angoisses à propos du futur. Parce qu’«être inquiet pour quelqu’un finalement, ça rend heureux». Il vaut donc mieux en rire qu’en pleurer, car ça délivre, ça aussi!
La pièce Enfantillages, écrite par François Archambault et mise en scène par Frédéric Blanchette, est présentée par Le petit théâtre du nord du 7 au 25 mai 2013 au Théâtre La Licorne puis du 21 juin au 24 août 2013 à Blainville.
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de la rédaction