«Des femmes», une mise en scène de Wajdi Mouawad: Sophocle en crescendo – Bible urbaine

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«Des femmes», une mise en scène de Wajdi Mouawad: Sophocle en crescendo

«Des femmes», une mise en scène de Wajdi Mouawad: Sophocle en crescendo

Publié le 6 mai 2012 par Luba Markovskaia

La trilogie Des femmes, premier volet du «Projet Sophocle» de Wajdi Mouawad, a été présentée en première montréalaise le 4 mai dernier au TNM. La représentation regroupe trois pièces de Sophocle, Les Trachiniennes, Antigone et Électre, et se poursuivra jusqu’au 6 juin.

La juxtaposition de ces trois pièces, «trois histoires» selon le programme, résulte en un spectacle d’une durée de six heures trente (avec entractes), ce qui donne lieu à une sorte de marathon théâtral, tant pour les interprètes que pour le public. Ledit marathon commence timidement avec Les Trachiniennes.

Le texte classique, ponctué d’interventions du chœur, un groupe rock qui explore diverses sonorités tout au long de la représentation, est alourdi par une mise en scène peu convaincante: les Trachiniennes, ces captives d’Héraclès, sont représentées par des photographies en noir et blanc affichées sur de grands panneaux. La récurrence de l’eau dans la mise en scène est esthétique, mais peu justifiée. Le fait que Héraclès, réduit au statut de femme dans son agonie, soit interprété par Sylvie Drapeau, qui joue également Déjanire, est une belle trouvaille, mais les interprètes de ce premier segment ne sont en général que peu convaincants. Bref, on ressort perplexe de cette première partie, mais curieux d’en voir davantage.

C’est là qu’arrive Antigone. Une mise en scène efficace, cette fois-ci, que ce soit au niveau des éclairages, du jeu et du rythme de la mise en scène. Ici, l’utilisation constante de l’élément de la terre prend son sens avec la thématique de la pièce. Charlotte Farcet et Patrick Le Mauff se livrent un très convaincant bras de fer en tant qu’Antigone et Créon. Le Mauff en particulier, dans la scène finale où Créon, accablé de tous ses maux, finit par sombrer dans la folie, livre une performance complexe et troublante. Captivés par l’interprétation et les dialogues, on aimerait cette fois-ci que le chœur-rock intervienne un peu moins, d’autant plus que Richard Thériault fait un excellent Coryphée. C’est donc rassuré qu’on ressort de cette deuxième partie, en espérant qu’Électre soit un coup d’éclat qui nous permette de terminer la soirée sans succomber à la fatigue aux petites heures.

Des cris perçants qui donnent froid dans le dos retentissent. Ce sont les lamentations d’Électre. Électre, interprétée par Sara Llorca, semble réellement possédée par son personnage on ne peut plus tragique. Comme le public qui vit une sorte de cure tragédienne au terme de cette soirée, les comédiens semblent s’être réellement plongés dans l’essence du genre avec Électre. Ou peut-être se ménageaient-ils depuis le début pour offrir une finale retentissante. Sylvie Drapeau, cette fois-ci, est superbe dans son rôle de Clytemnestre. La finale retentissante est réussie, la machine à pluie s’en donne à cœur joie, et le marathon est enfin terminé.

À l’affiche jusqu’au 6 juin, on peut assister aux trois tragédies séparément, ou à la trilogie intégrale, pour les plus vaillants. Mais on se sent moins courageux quand on pense que Wajdi Mouawad projette de présenter, à la fin de son cycle Sophocle, les sept pièces consécutivement, dans l’ordre chronologique d’écriture. Les courageux et véritables amateurs de tragédie y seront!

Appréciation: ***1/2

Crédit photo: Jean-François Gratton

Écrit par: Luba Markovskaia

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