«Des couteaux dans les poules» au Théâtre Prospero – Bible urbaine

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«Des couteaux dans les poules» au Théâtre Prospero

«Des couteaux dans les poules» au Théâtre Prospero

Déconstruire le langage pour mieux dire l'indicible

Publié le 28 février 2013 par Annie Lafrenière

Crédit photo : Théâtre Prospero

C’est mardi au Théâtre Prospero qu’a eu lieu la première de la pièce Des couteaux dans les poules de l’Écossais David Harrower. Cette adaptation du Groupe la Veillée fait suite à la pièce Blackbird, du même auteur, qui fut présentée en 2009 puis 2011 devant le public conquis du Prospero. 

Mise en scène par Catherine Vidal, mieux connue pour son adaptation du Grand Cahier d’Agota Kristof en 2009 (Prospero), Des couteaux dans les poules réunit les comédiens Isabelle Roy, Jean-François Casabonne et Stéphane Jacques, qui se donnent la réplique avec intensité et justesse, dans une langue âpre et pénétrante, comme on enfonce un couteau dans le ventre d’une poule.

Avant même que l’œil n’entrevoie les premiers éléments du décor et que les comédiens n’entrent sur scène, le ton fruste, organique et particulièrement violent de la pièce est donné: des sons lugubres et souterrains, semblant provenir des profondeurs de la Terre, emplissent les oreilles du spectateur et le clouent à son siège. C’est à la fois mystifié, fasciné et hypnotisé qu’il absorbe cette insaisissable musique.

Puissante et simple, la pièce de David Harrower nous plonge au cœur d’un monde dépassé, en pleine campagne écossaise où vivent un laboureur et sa femme. Les coutumes et les superstitions d’un autre temps règnent sur cet univers où tout s’enchaîne avec démesure: désir, soif de connaissance, adultère et meurtre, qui écorchent au passage cette humanité que l’on croyait intacte et nous renvoient à notre propre violence, à nos pulsions les plus intimes et nos interdits les plus tenaces.

«Au départ, j’ai été rebutée par la première scène. Le langage est hachuré, il manque des verbes, des pronoms, mais on s’habitue rapidement. C’est comme s’il n’y avait pas de gras, que l’ossature. J’ai été intriguée», explique Catherine Vidal, metteure en scène. Certes, la langue est brutale dans Des couteaux dans les poules, ce qui en fait un texte exigeant pour le spectateur. Mais tel que le dit Catherine Vidal, l’on s’y adapte après quelques minutes d’un échange pragmatique sur la pertinence de la comparaison:

JEUNE FEMME.
Suis pas un champ. Comment suis un champ ? C’est quoi un champ ? Plat. Mouillé. Noir de pluie. Suis pas un champ.

(…)

WILLIAM.
Ai dit es comme un champ.

(…)

JEUNE FEMME.
Si suis comme un champs dois être un champ.

WILLIAM rit
Pas à être une chose pour être comme elle.

Comment traduire la perception des choses qui nous entourent avec un minimum de langage? Comment se rapprocher de Dieu, du monde et de ses mystères? Comment passe-t-on d’un langage utilitaire à un langage poétique? David Harrower nous offre ainsi une sorte de fable ou de légende, où la quête du graal se transforme en quête de langage.

Au Théâtre Prospero du 26 février au 23 mars 2013.

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