ThéâtreDans la peau de
Crédit photo : Émilie Grosset
Marcelle, tu es directrice générale et codirectrice artistique du Théâtre Aux Écuries, deux chapeaux qui viennent avec leur lot de défis et de responsabilités! D’où t’est venue ta passion pour les arts de la scène et comment as-tu cheminé jusqu’à ces fonctions?
«La grande question! Quand j’étais petite, semble-t-il que je disais que, plus tard, je voulais être poète… alors qu’il n’y a aucun artiste dans ma famille. On appelle ça être prédestinée, je pense! C’est l’amour des mots, des mondes que l’on peut fabriquer avec eux qui a guidé mon chemin théâtral.»
«Ça, plus un goût certain pour l’engagement citoyen. J’aime bien utiliser le mot bâtisseuse (dans le sens artisanal de la chose). Bâtisseuse d’univers par mon métier d’autrice; bâtisseuse de possibles par mon métier de directrice générale. Et bâtir, on ne peut jamais faire ça tout seul!»
«Sur ce chemin qui m’apparaît encore étonnant pour la petite fille du Témiscamingue que je suis, il y a eu des professeur.e.s d’art dramatique déterminant.e.s, des compagnons et compagnes d’aventures qui ont contribué à me former (puisque je n’ai fait ni école d’arts, ni école de gestion!), le café-théâtre L’Aparté où j’ai tout appris et construit mes réseaux, les 20 années de Festival du Jamais Lu que je continue de diriger.»
«Et, finalement, la rencontre il y a plus de dix ans avec mes huit collègues «écuriens» avec qui on a bâti ce bel espace ouvert. Après tout ce chemin, j’ai l’immense privilège de dire chaque matin: je suis exactement à l’endroit où j’ai toujours rêvé d’être.»
La saison 2019-2020 a été tout particulièrement agitée avec cette pandémie mondiale de COVID-19 qui a entraîné une suspension brutale de la programmation artistique et des spectacles prévus à l’affiche. Peux-tu nous dire comment ton équipe a fait face à cette situation aussi soudaine que déstabilisante pour continuer de faire vivre la création artistique?
«Effectivement, ce fut rock and roll, comme pour tout le monde. Très vite, deux préoccupations furent les guides de notre réflexion: prendre soin des artistes et s’assurer de garder le navire à flot avec tout son équipage.»
«Le lien avec le public nous préoccupe grandement, bien sûr, mais nous ne sommes pas inquiets de ce côté. Les gens aiment l’art, le théâtre et la création. Ils seront dans nos salles à court, moyen et long termes.»
«Les artistes – et donc la base de notre culture! – ont, par contre, besoin plus que jamais d’un point d’ancrage, de stabilité, de ressourcement pour que les œuvres de demain soient pertinentes, riches et résolument ancrées dans leur contexte social.»
«C’est pourquoi nous avons pris la décision de reporter la diffusion des spectacles à janvier 2021 pour se concentrer tout l’automne sur une programmation alternative, souple et basée sur les besoins et les désirs des artistes. Aussi, nous accueillons le double d’artistes en résidences de recherche et création pour préparer la suite. Et des bourses en soutien aux artistes sont offertes. C’était le moment ou jamais d’adopter le slow art dont on rêvait. Prendre le temps pour se remplir de désirs d’avenir et de nécessités pour la suite.»
Alors que la rentrée culturelle approche à grands pas, vous venez tout juste de dévoiler votre programmation alternative pour la saison 2020-2021. On a pu voir que vous avez décidé de miser sur un Super Centre de Création qui comprendra beaucoup d’ateliers, de résidences, de conférences et de formations. Qu’est-ce qui a particulièrement motivé votre choix pour ce type d’événements, et comment vous êtes-vous organisés pour mener à bien ce projet tout en respectant les normes sanitaires en vigueur édictées par la Santé publique?
«Effectivement, devant l’incertitude d’une possible deuxième vague et des mesures sanitaires aussi nécessaires que contraignantes, nous consacrerons les 3 mois de cet automne à la mise sur pied du Super Centre de Création. Celui-ci offrira au public, à la communauté artistique et aux milieux scolaires, des occasions de se rencontrer, de se perfectionner, de se rapprocher et de mieux se comprendre.»
«Pensées pour être faites soit en présentiel, soit en virtuel, soit les deux, les activités du Super Centre de Création suivront l’évolution des mesures sanitaires. Re-confinement ou non, nous tiendrons notre programme tel que prévu pour faire vivre l’art théâtral.»
«Ce Super Centre de Création est la voie choisie pour prendre soin de tout le monde: les artistes, le délicat lien qui les unit à leur public et au milieu scolaire, et notre équipe. Nous voulions travailler sur un projet faisable, stimulant et plein de sens. Tout le monde a besoin de renouer avec le sens de l’acte créateur, spectateurs comme artistes. C’est exactement ce sur quoi misera le Super Centre cet automne. Et nous serons là, quoi qu’il arrive!»
En quoi votre association avec des partenaires tels que la Machinerie des Arts, le Jamais Lu, le Théâtre de la Pire Espèce, le FTA, le Théâtre Les Deux Mondes – en plus du soutien spécifique de la Fondation du Grand Montréal et du Conseil des arts de Montréal que vous avez reçu – était nécessaire pour continuer de faire vivre la création et la production artistiques au sein du Théâtre Aux Écuries cet automne?
«L’association avec nos partenaires artistiques nous permet d’ouvrir un service très attendu par le milieu: Bonjour-Théâtre. Inspirés par la plateforme Bonjour-Santé, nous offrirons des consultations aux artistes indépendants grâce à l’engagement des travailleurs culturels d’Aux Écuries et des structures alliées. Dans la tourmente, les travailleurs culturels ont relativement – je dis bien relativement – été épargnés, comparés aux artistes. C’est notre façon de redonner et de reconnaître l’apport fondamental des créateurs dans la pyramide du théâtre.»
«Quant aux partenaires financiers, ils ont été nécessaires pour nous permettre d’aller de l’avant avec le Super Centre de Création. Nous avons complètement revu notre modèle d’accueil et financier et, grâce à eux, nous avons pu aller au bout de notre idée créative et solidaire pour l’automne.»
Avec l’équipe du Théâtre Aux Écuries, comment entrevoyez-vous la reprise des spectacles en janvier 2021: pouvez-vous déjà nous en dire plus sur les productions que vous prévoyez présenter si la situation le permet?
«Ahhh… Non, je ne vous dévoilerai rien, puisque nous le ferons tambour battant en novembre. Ce sas que nous nous donnons nous permettra d’être au plus près des possibilités qu’offriront les conditions sanitaires et de servir au mieux les projets artistiques.»
«Ce que je peux vous dire, c’est que nous y présenterons les projets qui étaient programmés avant la pandémie et qui font sens avec les conditions de distanciation sur scène et dans la salle. Les autres, tout comme ceux qui étaient initialement prévus pour l’automne 2020, ont été reportés à 2021-2022.»
«Mais une chose est certaine, je peux vous assurer que les créateurs.trices qui préparent leurs spectacles pour notre saison de diffusion à l’hiver et au printemps 2021 seront incandescent.e.s sur scène, chargé.e.s de la hâte et du sentiment de joie pure de retrouver leur public.»