ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Patrick Lamarche
Les personnages fouillent dans leur répertoire de culte respectif afin d’appréhender des évènements d’importance – nommément: la naissance imminente d’un enfant, le mariage et la mort. Au gré d’une succession dynamique de tableaux, chacun-e des membres de la distribution campe divers personnages parmi ceux qui gravitent autour de l’idylle entre Mariam (Sounia Bahlia) et Jean-François (Benoît Drouin-Germain).
Des situations frisant l’absurde sont présentées à divers points du récit. Grossissant alors les traits de personnages ou de situations du quotidien, l’auteur Simon Boudreault – qui signe également la mise en scène – fait craindre certaines éventualités sordides.
Dans l’une d’entre elles, une police des mœurs – au sens propre! – appréhende le jeune couple, alléguant que Mariam et Jean-François auraient commis le crime de pratiquer «illicitement» l’islam. Ils sont sommés de déménagés derechef dans le quartier Côte-des-Neiges. Dans une autre, un jeu questionnaire confond les participants-es: ils sont appelés à spéculer sur les religions auxquelles sont rattachés certains comportements répréhensibles. Or, au chapitre du respect du droit des femmes ou encore des minorités, toutes les religions font piètre figure.
Ce qui nous unit, au-delà des différences
Au-delà des dissensions au sujet de la religion, la pièce aborde avec finesse les relations intrafamiliales et la pudeur victorienne caractérisant la famille de Jean-François en particulier. Les membres n’y sont pas autorisés à s’épancher au sujet de leurs sentiments. Alors que la mère reçoit un diagnostic la vouant à une mort inéluctable, son fils est largué, se révélant inapte à s’aventurer sur le terrain des sentiments.
La famille de Mariam, en revanche, témoigne d’un sens immense du réconfort à l’égard de la mère de Jean-François à l’annonce du diagnostic. Cette attitude chaleureuse tranche avec l’intransigeance qu’elle affecte, exhortant les conjoints à se marier et intimant à Jean-François de se convertir à l’islam. Les amoureux découvrent ce qui, de leurs convictions personnelles ou de celles de leur famille respective, présidera à leur destinée.
Un reflet de la société québécoise
L’auteur joue sur la pluralité de facettes, parfois contradictoires, que recèle chacune des religions. Il semble qu’aucune d’entre elles ne puisse prétendre à une supériorité par rapport aux autres. Force est de reconnaître les torts de chacune.
Les situations versant dans l’absurde aménagent un recul nécessaire pour comprendre les dérives qu’est susceptible de connaître notre société. Ainsi, dans le contexte actuel au Québec, le tabou qui frappe la cohabitation des diverses religions pave un terrain glissant, susceptible de mener à la stigmatisation ou à la marginalisation de certains groupes religieux. En contrepartie, Comment je suis devenu musulman montre qu’il existe des possibilités de compromis entre des groupes de professions différentes.
La pièce aborde, en outre, le vertige que peut susciter l’athéisme. En l’absence de repères pour appréhender les évènements significatifs de la vie, Jean-François est ainsi dérouté. Il doit s’en remettre à d’autres valeurs que celles, «clé en main», fournies par la religion catholique.
La pièce est un reflet de notre société, aux prises avec des questionnements douloureux auxquels certaines mesures proposées par nos gouvernements ont de quoi soulever les fureurs.
Devant l’adversité, il semble qu’il vaille mieux se cramponner à ce qui nous attache les uns aux autres – nommément: notre humanité – plutôt qu’à ce qui nous distingue, tout en reconnaissant l’enrichissement que procurent les contacts interculturels.
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Par Patrick Lamarche
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