La comédie «La Déprime» reprend vie au Théâtre du Rideau Vert – Bible urbaine

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La comédie «La Déprime» reprend vie au Théâtre du Rideau Vert

La comédie «La Déprime» reprend vie au Théâtre du Rideau Vert

La pièce unique en son genre offre toujours de belles prouesses

Publié le 1 novembre 2014 par Isabelle Léger

Crédit photo : Mélissa Bascunan

En 1981, le blues post-référendaire sévissait, les mouvements syndicaux ayant porté de grandes causes s’enlisaient dans les conventions collectives, le discours féministe qui avait fait grand bruit n’arrivait pas à s’incarner dans la réalité sociale et professionnelle. Sans nous servir ces thèmes textuellement, La Déprime a vu le jour avec ce contexte en toile de fond. Et si, étonnamment, cette comédie réussit encore à capter l’intérêt du spectateur, c’est en grande partie grâce à l’écriture, justement, davantage qu’au sujet. En évitant le burlesque qui caractérisait souvent les pièces à sketchs, les quatre auteurs Denis Bouchard, Rémy Girard, Julie Vincent et Raymond Legault ont assuré, peut-être sans le savoir, la pérennité de leur œuvre.

Une journée dans un terminus d’autobus, où se croisent et se côtoient voyageurs perdus ou pressés, flâneurs et vagabonds, vieillards et enfants, gardiens et chauffeurs. Dans un feu roulant de scènes à l’humour parfois satirique, absurde ou attendrissant, tous les espoirs et les toutes les déceptions du quotidien viennent faire leur tour de piste. En fait, La Déprime est un drôle d’objet: ni hilarante ni caustique, elle n’était déjà pas si dure à prendre à sa création que son titre l’indique. Elle ne l’est pas plus aujourd’hui. Dans les diverses situations, déployées ou effleurées, les personnages vivent et le comique surgit ici et là sans être forcé.

Critique theatre Deprime Desrochers Paulhus

Sans surprise, le texte a été fidèlement conservé, sans adaptation à la technologie moderne ni aux références sociales actuelles, ce qui aurait été un engrenage impossible à soutenir. Si quelques personnages, comme le vendeur d’accessoires érotiques, accusent leur âge, certains autres trouvent un écho renforcé par la vie que l’on connaît : une femme n’a pas de garderie où laisser ses enfants, une danseuse nue se fait exploiter, un chauffeur perd son poste au nom de la sacro-sainte opinion publique.

Sur le plan théâtral, cette époque était aussi une transition entre la création collective, qui avait fait éclater les formes et les discours, et les courants plus symbolistes ou intimistes qui allaient naître. C’était aussi, bien sûr, le début du règne de l’absurde. Avait-on déjà perdu ses illusions? À cet égard, la satire de la représentation syndicale et de la négociation est éloquente, et peut-être encore plus drôle aujourd’hui qu’il y a trente ans. Il faut dire qu’elle est superbement défendue par une Pascale Desrochers au tonus épatant.

Anne-Élizabeth Bossé confirme son grand sens de l’équilibre dans sa façon d’être tour à tour drôle et touchante (parfois les deux à la fois). Bernard Fortin et Éric Paulhus tirent aussi leur épingle du jeu, le premier par sa composition d’un pauvre vieux veuf qui perd tout et le second dans le rôle le plus absurde de la pièce, celui d’un gars qui se marie au téléphone. Leur va-et-vient continuel est orchestré par Denis Bouchard, qui a fait un travail de direction de grand talent. Dans ce genre de pièces, il faut avoir du rythme, mais le bon, et ne pas sacrifier la vérité à l’autel du gag.

Critique theatre Deprime Bosse

Bon, après tout cela, la question est: a-t-on encore besoin, aujourd’hui, d’assister à ces chassés croisés sur la solitude? On n’en a peut-être pas besoin, mais si on en a envie, on saura qu’au Théâtre du Rideau Vert, on livre la marchandise.

La pièce comique «La déprime» est présentée jusqu’au 6 novembre 2014.

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