ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Caroline Laberge
Le spectacle est formé de six monologues ponctués par un dialogue entrecoupé. Sur une scène dépouillée, les comédiennes (dont on ne pourrait pas toujours dire qu’il s’agit de personnages même si les histoires sont fictives) s’adressent directement au public. Les textes abordent la trahison, le choc des valeurs, le sexisme, le vieillissement, l’avortement dans des styles variés allant du récit mélodramatique au lyrisme poétique en passant par l’apostrophe acerbe. Elles se cèdent l’espace de jeu parfois par la danse, parfois par le chant. Tout cela est bien fait, mais ne constitue pas une mise en scène symboliquement parlante ou enrichissant le propos.
L’abolition du quatrième mur est une décision risquée, car il y a le danger que la revendication ou «le cri du cœur» supplantent le récit dramatique. Dans la moitié des cas, les textes ne sont pas assez percutants ou sont trop explicatifs pour que la théâtralité émerge vraiment du discours. Des comédiennes que l’on sait douées donnent ainsi un peu l’impression d’enfoncer des portes ouvertes (Tania Kontoyani interprétant Nicole Lacelle, Lise Roy son propre texte).
C’est l’évidence, lorsque l’écriture a plus de ressors, la vie qui surgit sur scène captive davantage et stimule également plus la pensée. On pourrait croire que l’aspect humoristique des textes de Louise Bombardier (qu’elle joue elle-même) et Marie-Ève Gagnon (par Danièle Panneton) brouille la perception en rendant le propos plus accessible. Pourtant, le texte poétique de Dominik Parenteau-Lebeuf livré par Noémie Godin-Vigneault frappe tout autant sans provoquer le moindre sourire, loin de là. Par ailleurs, la facture globalement très sobre des monologues enlève en quelque sorte aux dialogues de Nicole Brossard leur rôle cohésif. Si on décollait plus dans les monologues, on serait heureux de revenir à une conversation intimiste et signifiante dans les intervalles.
Trente-huit ans séparent le spectacle présenté au Théâtre d’Aujourd’hui de La Nef. Les tabous à transgresser ont changé, sont devenus plus subtils peut-être, bien que l’actualité locale comme internationale nous rappelle à quel point la simple condition féminine est encore et toujours motif d’abus. La parole féminine a manifestement toujours besoin d’être exprimée. Sans être un jalon marquant, le spectacle de Lise Roy et Markita Boies pose une dalle dans cette voie.
«Je ne suis jamais en retard», collectif d’auteures mis en scène par Markita Boies, est présenté à la salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 27 novembre.
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