«City», une adaptation du roman d'Alessandro Baricco, au Théâtre Prospero – Bible urbaine

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«City», une adaptation du roman d’Alessandro Baricco, au Théâtre Prospero

«City», une adaptation du roman d’Alessandro Baricco, au Théâtre Prospero

Un projet ambitieux, des acteurs excellents, un résultat inégal

Publié le 15 septembre 2014 par Sandra Felteau

Crédit photo : Le TON et Lynn Poulin

Après quarante années d’existence, le Groupe de La Veillée continue d’encourager les nouveaux projets, aussi éclatés et ambitieux soient-ils. Pour sa première mise en scène, le TON (Théâtre des obnubilés de Nicole) tente de remporter le pari d’adapter le roman «City» du célèbre écrivain Alessandro Baricco. La pièce est présentée au Théâtre Prospero du 9 au 27 septembre.

Tout d’abord, revenons à l’histoire. City, c’est un roman où il y a beaucoup de personnages et de lieux (tant réels qu’imaginaires). Facile de se les représenter à l’écrit? Peut-être. Mais montrer physiquement qu’un personnage est visible uniquement dans la tête d’un autre en est tout autrement! En ce sens, Christel Marchand a trouvé des moyens efficaces de présenter ces nuances au public. 

En effet, on a préféré accorder presque toute la place à l’histoire en utilisant une scénographie assez minimaliste. Seul un panneau de bois à la verticale de la largeur de la salle, surmonté par un escalier permettant l’accès à une seconde scène et agrémenté d’une chaise façonnée à même le mur, composait l’espace, en plus d’une toile en arrière plan où les images et les ambiances suggéraient un passage à l’un ou l’autre des niveaux de récits.

Le plus souvent, les moments où l’on entrait dans l’imaginaire des personnages se passaient au «deuxième étage» de la scène, ce qui rendait plus claire la construction plutôt complexe de l’histoire.

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Gould, joué par Paul Ahmarani, est un garçon de 13 ans doté d’une intelligence hors du commun. Mais cette intelligence, qui devrait lui servir à évoluer, ne lui rend pas service. On apprend tranquillement que sa mère, amenée dans une institution psychiatrique par son père, ne tient pas particulièrement à lui, ce qui arrange le père qui choisit de rester près de sa femme plutôt que de son fils. 

Un propos déchirant qui aurait pu être mieux rendu par un jeu un peu plus subtil. Sans remettre en doute le talent d’Ahmarani (qui est tordant lorsqu’il interprète d’autres personnages de la pièce), il nous a semblé que la note a été un peu trop forcée, en ce qui concerne notamment le niveau de langage utilisé, qui diffère beaucoup trop de celui des autres personnages (largement plus familier et naturel).

Par ailleurs, Geneviève Beaudet est très convainquante dans le rôle de Shatzy, la gouvernante de Gould, avec qui il s’ouvre un peu plus en partageant mutuellement des univers qu’ils inventent de toutes pièces (les combats de boxe pour Gould, les scènes d’un western pour Shatzy).

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Le duo Poomerang et Diesel (Paul-Patrick Hébert et Gabriel Doré), les amis imaginaires de Gould, amène une dimension intéressante au dédoublement de personnalité de ce dernier, que l’on voit de manière évidente dans la scène où Gould se fait interroger par un dame de l’université en compagnie de ses doubles. Cette dame, jouée par Jean Belzil-Gascon, est l’un des multiples rôles qu’il occupe dans l’histoire, en plus du professeur, du père, de l’horlogier et de quelques autres, nous laissant sans voix devant une interprétation des plus brillantes. 

Évidemment, toute adaptation implique que l’on revienne au texte original. La pièce a-t-elle été fidèle au roman, ici? Oui, en surface. Répliques, personnages, lieux: respectés. Mais le concept d’honnêteté intellectuelle amené dans le livre et porté par le professeur Kilroy demeure seulement en toile de fond, alors qu’il aurait dû, à notre avis, prendre une place plus importante.

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En changeant l’attitude du professeur, qui se présente à nous comme un homme qui pleure sans motif clair, on perd aussi la raison pour laquelle Gould prend la décision de quitter la ville. C’est non seulement le désir de vivre enfin son enfance qui motive son choix (comme soutenu dans l’adaptation théâtrale), mais surtout l’idée que la véritable intelligence ne réside pas dans la capacité de résoudre des calculs des plus complexes. On a peut-être coupé la fin trop tôt; il aurait fallu, sans aucun doute, revoir Gould et mettre avec lui un point final à son histoire de boxe.

Néanmoins, City reste une pièce à voir. Ne serait-ce que pour les scènes du Western de Shatzy!

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