«Changing Room» d'Alexandre Fecteau: drag queens wanted – Bible urbaine

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«Changing Room» d’Alexandre Fecteau: drag queens wanted

«Changing Room» d’Alexandre Fecteau: drag queens wanted

Publié le 22 août 2012 par Annabelle Moreau

«Si vous pensez que vous allez passer une soirée épouvantable, ben crissez votre camp!». Rien de moins sort de la bouche de Délice, l’animatrice du cabaret Changing Room présenté depuis hier soir et jusqu’au 8 septembre à l’Espace libre.

Celui qui franchit les portes de l’Espace libre ces jours-ci ne peut se douter de ce qu’il va y trouver. Bien sûr, on y présente Changing Room, un docu-théâtre interactif sur l’univers des drag queens ou personnificateurs féminins, mais justement si l’on y va pour voir se succéder des numéros plus affriolants les uns que les autres, la surprise peut être totale.

La réalité est plus troublante encore, quoique plus riche et invitante. Voilà ce qui arrive lorsque l’on ose et que l’on fait s’entrechoquer des univers à la limite de l’improbable, mais qui en fin de compte se révèlent d’une désarmante proximité, soit le documentaire, le théâtre et l’interactivité. Après avoir connu un immense succès à Québec, c’est à Montréal que le Changing Room vient brasser la cage. 

Sous la perruque et les paillettes

Le metteur en scène Alexandre Fecteau a voulu concocter ici un assemblage de témoignages et de performances sur scène afin de montrer l’envers du décor d’un show de drag queens. Mais comment y arriver sans tomber dans le cliché?

Plusieurs heures d’entrevues ont été réalisées avec des drag queens de Québec et Montréal. Ces témoignages ont nourri le texte qu’Alexandre Fecteau a écrit en collaboration avec Raymond Poirier. Voilà pour le documentaire.

Et le théâtre? En bien, il y a des comédiens et une scène, fort belle d’ailleurs, un cabaret plutôt: velours rouge, tables à l’avant, bar et alcool à volonté, parce qu’un «un show de fausses femmes, ça s’écoute pas à jeun», claironne Délice l’animatrice. Mais surtout un texte et des échanges percutants et drôles.

C’est l’interactivité le thème clé ici, et elle se déploie de diverses manières. D’abord, en faisant alterner les numéros sur scène et les moments captés en direct dans la loge et retransmis sur écran dans la salle. Cette loge, espace de tous les possibles est aussi le lieu de toutes les confidences. S’y développe un commentaire puissant sur la vie des drag queens qui s’éloigne des grandes questions identitaires pour se rapprocher davantage du plaisir que ces hommes ont à faire leur métier.

The show must go on

Cette manière de rendre le théâtre vivant, de le détourner de ses habitudes pour lui redonner ses lettres de noblesse relève d’un véritable tout un tour de force de l’équipe derrière Changing Room. L’imprévisibilité de la performance, élément absent de la plupart des pièces de théâtre, permet de capter toute la force brute et la spontanéité des numéros de drag queens.

Il n’y a pas ici de zone de confort, les acteurs se mettent en danger et entrainent les spectateurs avec eux, sur une pente glissante, mais non moins tentante et excitante. Si certains petits problèmes techniques surviennent parfois, et que la pièce dure plus de trois heures, le plaisir ressenti n’est pas altéré, surtout que l’interactivité et l’intimité tardent quelque peu à s’installer. Mais une fois le spectateur gagné aux confidences et aux paillettes, le show peut commencer.

 Appréciation: ****

Crédit photo: Guillaume D. Cyr

Écrit par: Annabelle Moreau

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