ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Eva-Maude TC
Au centre d’un plateau dominé par des gradins installés en position bifrontale, on découvre la chambre d’un jeune couple où des tas de vêtements jonchent le sol et où des piles de livres sont entassées autour d’un lit défait. Il et Elle se font face, chacun se tenant debout à une extrémité de la pièce, tels des boxeurs prêts à s’élancer sur le ring.
C’est à cet instant précis que le spectateur entre dans leur vie, et le combat sera sans pitié. La joute verbale est lancée: elle ne veut pas qu’il sorte ce soir boire une bière avec cette fille; il ne voit pas où est le problème et sortira quand même.
Derrière cette simple chicane apparemment sans importance se cache tout ce qui fait et défait une histoire d’amour, toutes les attentes et toutes les rancunes que chacun d’entre nous a connues un jour.
Le champ amoureux, c’est cette pièce, ce carré de parquet délimité au sol dont aucun des personnages n’échappera indemne. L’hyperréalisme et le rapport de proximité au public que Catherine Chabot affectionne tant se retrouvent dans un texte continuellement teinté d’humour et dans une nudité complètement décomplexée. Les deux comédiens se mettent littéralement à nu dès les premières minutes du spectacle, nous invitant à entrer dans l’intimité du couple sans gêne ni pudeur. Le pari est gagnant: le spectateur est séduit par la prise de risque et s’identifie immédiatement à ces corps imparfaits, à cette peinture de la vie de tous les jours qui embrasse nos moindres défauts.
L’auteure s’épanche dans une réflexion existentielle sur le pourquoi et le comment de l’amour véritable. Pourquoi se sont-ils choisis? Comment doivent-ils s’aimer? Peut-on s’aimer de la même manière toute la vie?
L’amour, l’amour, l’amour, l’amour.
Pour ce jeune couple d’intellectuels fraîchement trentenaires, les mots ont remplacé les gestes de tendresse et les débats philosophiques ont pris la place du sexe au creux des couvertures. Ils sont devenus maîtres en la matière, mais ne s’écoutent plus. Ils soliloquent en chœur, égoïstes et fiers, incapables de se retrouver.
La démarche de Catherine Chabot est claire: faire entrer la vraie vie sur une scène de théâtre, rompre avec la distance qui sépare le spectacle et le spectateur. Et c’est précisément cette justesse qui avait fait le charme de Table rase. Mais ici les élucubrations sans fin de ses personnages tendent à prendre le pas sur l’émotion et nous les rendent presque antipathiques. Les ficelles qu’elle utilise pour séduire l’audience sont certes un peu grosses et les private jokes pleuvent abondamment aussi.
On a finalement l’impression d’assister à une réflexion très personnelle de l’auteure sur son propre parcours amoureux et, de fait, on se sent parfois un peu de trop.
L'avis
de la rédaction