ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Yves Renaud
La pièce débute à peine deux mois après l’élection de Jean Lesage, dans une famille aisée du Québec. Le père, William Larose, a fait fortune dans le milieu du pavage et décide maintenant de se lancer en politique. Il compte sur ses enfants pour entretenir la prospérité familiale, mais s’aperçoit rapidement que ceux-ci ont des projets tout autres. Suzie veut divorcer de son mari violent et s’enfuir avec un autre homme, Guillaume se prépare à épouser une femme de rang inférieur au sien, et Étienne veut étudier la sociologie et exprime son profond désaccord avec les idéaux politiques de son père.
Même sa femme, Margot, semble beaucoup moins attachée à son mari qu’à l’associé et meilleur ami de celui-ci. Malgré les efforts de William pour projeter l’image de la famille unie et solidaire, il est clair que tous les Larose foncent droit vers un mur.
La pièce se termine d’ailleurs en tragédie, par la mort de l’un des personnages et la malédiction du père de famille à l’encontre de son clan.
Tout en rappelant le contexte social et historique de l’époque, Benoît Vermeulen a voulu moderniser la pièce par l’intégration de projections vidéo, d’une table de DJ et de cellulaires. Il s’agit de l’aspect le plus touffu et le moins réussi de la mise en scène, faisant écran à des choix pourtant fort judicieux.
Un travail de dépoussiérage du texte permet de conserver l’esprit de Dubé tout en gommant les passages ayant le moins bien survécu au passage du temps. En effet, l’équipe a repiqué les meilleures répliques des trois versions de l’oeuvre (film, pièce, télé-théâtre), de manière à miser sur les forces de chacune d’entre elles.
Plusieurs éléments de l’histoire – la corruption politique, le pouvoir de l’argent, le culte des apparences, l’opposition gauche-droite – retrouvent des échos aujourd’hui, alors que d’autres mettent en relief les avancées sociales des dernières décennies, à commencer par l’amélioration de la condition féminine.
Linda Brunelle a conçu de magnifiques costumes, principalement pour les personnages féminins qui se changent à de nombreuses reprises. On ne peut qu’acquiescer lorsque Margot complimente sa fille Suzie sur la beauté de sa robe de soirée digne d’une princesse de conte de fées. Les coiffures fixée au spray-net et les vidéos d’archives contribuent également à plonger le spectateur directement dans le cœur des années 1960 et des soirées dansantes.
La distribution est magistrale. Guy Jodoin et Sylvie Léonard incarnent William et Margot Larose avec une authenticité remarquable. Rachel Graton et Christine Beaulieu campent des femmes de tête intelligentes, lucides et rebelles, déterminées à mener à bien leurs projets et à rester maîtres de leur vie.
Malgré ses maladresses, la mise en scène de Bilan confirme la pertinence de la parole de Marcel Dubé aujourd’hui et le plaisir de replonger dans l’univers d’un des pères fondateurs du théâtre québécois.
«Bilan» de Marcel Dubé en 20 photos
Par Yves Renaud
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