«Août – un repas à la campagne» de Jean Marc Dalpé, au Théâtre Jean-Duceppe – Bible urbaine

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«Août – un repas à la campagne» de Jean Marc Dalpé, au Théâtre Jean-Duceppe

«Août – un repas à la campagne» de Jean Marc Dalpé, au Théâtre Jean-Duceppe

Quand le présent est figé dans le passé, le futur n’a pas beaucoup d’avenir

Publié le 8 novembre 2014 par Isabelle Léger

Crédit photo : François Brunelle

L’entêtement à retenir et à perpétuer une époque révolue, voilà bien souvent ce qui mène aux crises familiales. Le déni découlant de la peur du changement, de la peur de disparaître, sépare les générations d’une même maison. Quand la subsistance constitue le seul mortier de l’édifice, les mots, les regards et les bonnes intentions fuient par toutes les fentes, les êtres s’accrochent aux poutres chambranlantes. Dans «Août – un repas à la campagne», Jean Marc Dalpé expose un drame domestique, d’un commun presque banal, et nous le fait vivre en temps réel.

Simon et Jeanne, un couple de propriétaires terriens (Michel Dumont et Pierrette Robitaille), vivent au crochet de leur fille Louise (Isabelle Roy) et de leur gendre Gabriel (Frédéric Blanchette) dans leur propre maison. En effet, l’érablière est devenue improductive, mais Simon se refuse à la vente par lotissement. Louise cherche à s’évader de cette vie, tout comme sa fille de 19 ans Josée (Kim Despatis), pour qui rester n’est pas une possibilité. C’est dans ce contexte qu’arrivent les citadins Monique, sœur de Simon (Chantal Baril), et son futur époux André (Gilles Renaud). Si on ajoute l’aïeule Paulette (Nicole Leblanc), on se trouve devant huit personnes représentant quatre générations. Personne n’a d’appétit pour ce repas.

Dans cette chronique d’un drame conjugal annoncé dès le départ, les éléments s’installent lentement. Ouvertement inspiré par Tchekhov dans les thèmes, la forme et les ressors, Dalpé fusionne réalisme et symbolisme avec tout autant de doigté, en ajoutant une pointe d’humour. On négocie par l’intermédiaire d’une nappe, on crie son enfermement en réclamant un élargissement du stationnement, on assoit son pouvoir avec des clés de char.

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La mise en scène de Martine Beaulne penchant davantage du côté du réalisme que du symbolisme, on déplore que la lourdeur de la chaleur plusieurs fois évoquée transparaisse si peu dans l’ambiance scénique (décor et éclairages) et le jeu. La maison massive s’avance vers le public en ouverture pour reculer à la toute fin, mobilité inutile. Le spectateur sait qu’il sera voyeur, qu’il ne devrait pas assister à cette tranche de vie, c’est le propre des drames familiaux, il n’a pas besoin de se le faire dire. De toute façon, le jeu souvent frontal (en partie entraîné par ce dispositif scénique) invite ouvertement à l’observation.

À la fin, cette famille aussi amochée que sa ferme n’a même pas la générosité d’entendre le cri du cœur de la jeune Josée «C’est quand même moi, l’avenir!» Ce qui est dommage, c’est qu’il passe presque inaperçu dans l’assistance aussi, alors que cette absence d’écoute, cette insensibilité résume tout le propos.

«Août – un repas à la campagne», de Jean Marc Dalpé, mise en scène de Martine Beaulne, jusqu’au 6 décembre au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts.

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