ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Marie-Andrée Lemire
Antioche, c’est une histoire qui explique comment le destin de trois femmes se croisera là-bas, dans cette ville lointaine, qui est loin d’être une destination touristique populaire pour les jeunes Montréalaises. L’antiquité n’est jamais loin dans ce récit où deux amies du secondaire, Antigone et Jade, tentent à la fois de trouver un sens à leur vie et une façon de canaliser toute cette fougue adolescente qui les habite.
Antigone porte une toge en permanence, ne décroche jamais de son personnage antique, et fait du lobbying auprès de son groupe de théâtre afin que sa tragédie soit jouée comme spectacle de fin d’année. C’est un personnage si fantaisiste, joué avec conviction par Sarah Laurendeau, qu’on finit par douter de sa réalité. Est-elle visible seulement aux yeux de Jade (Mounia Zahzam), une adolescente obsédée par les listes, qui s’anime seulement lorsqu’elle converse avec un mystérieux et révolté prétendant virtuel? Car Inès (Sharon Ibgiu), sa mère, lui offre elle aussi une présence quasi immatérielle, errant dans leur maison avec un air hébété, passant ses soirées à boire du vin devant la télé et ne dormant que très peu. Qu’elle se tourne vers un inconnu qui semble comprendre et nourrir sa recherche de réponses semble alors relever de l’évidence.
Se servir d’un personnage aussi mythique qu’Antigone pour aborder la thématique de la radicalisation, voilà une idée aussi audacieuse que géniale. Quel effet a donc la colère bienveillante d’Antigone sur l’envie de fuir qu’éprouve Jade? Quels lourds évènements se dissimulent dans le passé d’Inès pour en avoir fait une vieille fille catatonique?
Sur scène se trouvent deux chambres qu’il faut en grande partie imaginer, avec des écrans auxquels il est impossible d’échapper. Sur l’un d’eux, des messages remettant en question les valeurs confortables de l’occident, et sur l’autre, que le public ne voit pas, une télévision en sourdine où se succèdent des émissions de Ricardo. C’est un univers feutré où l’isolement est particulièrement propice, et la mise en scène de Martin Faucher résulte en une magnifique économie de mouvements et de moyens.
Malgré le fait que la pièce soit destinée à un public de «jeunes adultes», les spectateurs de tous les âges y trouveront leur compte. On avait déjà vu une autre version audacieuse d’Antigone, à saveur de Printemps érable, pas plus tard qu’en avril dernier, dans la même salle.
Et avec L’Iliade à l’affiche au Théâtre Denise-Pelletier en même temps, c’est un mois de novembre très grec pour le théâtre!
L'événement en photos
Par Marie-Andrée Lemire
L'avis
de la rédaction