ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Clémence Doray
La formule est à la fois simple et compliquée, et d’une précision redoutable: nos deux animateurs règnent sur un plateau d’un kitsch assumé, à la manière d’un talk show de fin de soirée tout droit sorti des années 1970, se déplaçant harmonieusement au fil de quelques étonnantes chorégraphies, propulsées par les membres d’un orchestre avec qui ils partagent la scène.
Parlons-en de cet ensemble musical: composé d’Étienne Blanchette, Mathieu Doyon et Nicolas Letarte (que nous avons eu l’immense plaisir d’entendre aussi dans Les grand-mères mortes de Karine Sauvé), des multi-instrumentistes aguerris, il nous plonge dans un délire lounge décidément très réjouissant, évoquant les thèmes les plus délirants des émissions de télé d’antan.
Leur maîtrise absolue du genre bonifie définitivement l’expérience du spectateur, assurant des transitions très fluides entre les sketches et les discutailleries érudites des deux animateurs, à mi-chemin entre l’absurde de la pataphysique et un authentique amour des objets et de leurs implications.
Il y a déjà vingt ans que le Théâtre de la Pire Espèce sévit dans ce genre fascinant. Alors que le théâtre traditionnel laisse déjà beaucoup de place à l’imagination du spectateur, le théâtre d’objets pousse encore plus loin cette participation active, avec un mécanisme qui passe par la force d’évocation de divers artefacts et une narration astucieuse.
Le but de ce traité no.5 est hilarant et assumé: démontrer que le théâtre d’objets est supérieur à toutes les autres formes d’art. Que ce soit par le biais de diverses parodies (ici Robert Lepage, ailleurs le film de gangster rural à la Gilles Carle), d’imaginatives petites mésaventures de samouraïs, ou d’une banane trucidée, les interprètes s’amusent ferme, et le plaisir se transmet plutôt efficacement au public.
Si ce cabaret est un survol global des promesses passées et futures de la Pire Espèce, il saura non seulement tirer des rires de ses fidèles et les conforter dans leurs préférences culturelles, mais aussi efficacement convertir les non-initiés. Cet univers truculent et unique mérite assurément qu’on s’y perde à la moindre occasion.
Lisez notre entrevue avec Olivier Ducas et Francis Monty, les cofondateurs du Théâtre de la Pire Espèce, pour en savoir plus sur leur compagnie!
«Anatomie de l’objet, traité No.5: l’état des choses» en images
Par Clémence Doray
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de la rédaction