«Alvin Ailey American Dance Theater» à la Place des Arts: corps tendus – Bible urbaine

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«Alvin Ailey American Dance Theater» à la Place des Arts: corps tendus

«Alvin Ailey American Dance Theater» à la Place des Arts: corps tendus

Publié le 28 avril 2012 par Jim Chartrand

La réputation de la célèbre troupe de danse Alvin Ailey American Dance Theater ne se dément pas. Près de sept ans après son dernier passage dans la métropole, elle s’est à nouveau produite dans de nombreuses salles combles pour ses quatre uniques représentations.

C’est donc en hommage au défunt fondateur de la troupe que deux des œuvres les plus célèbres d’Alvin Ailey ont été présentées. En addition, afin de dévoiler la nouvelle direction entreprise par le nouveau directeur artistique Robert Battle, trois des œuvres parmi les plus récentes ont également été présentées, incluant deux puissants solos.

Ce qui impressionne le plus avec la troupe, c’est les capacités des danseurs qui, même si on s’attend à être impressionné, livrent des performances d’une qualité dépassant l’imagination. Non, ce n’est pas acrobatique, et pourtant on n’essaierait certainement pas ça à la maison! Il faut donc les voir s’exécuter aux limites de la perfection avec une droiture qui frôle le génie. Ils tendent leurs membres avec aisance et y exécutent des figures au sommet d’un contrôle remarquable. Ils se plient en deux en sautant, tournent sur 360 degrés sans faille, lèvent une jambe en parfaite ligne droite avec la seconde, bref, c’est un véritable lieu de l’élégance et de déploiement de force physique, le tout parfaitement synchronisé avec eux-mêmes ou les autres danseurs.

Concernant les œuvres, et ce n’est pas nécessairement un point faible, «Streams» ne cadrait pas tout à fait avec les autres numéros sélectionnés. Très épurée sur tous les fronts, autant dans les mouvements, la musique, l’éclairage ou même la mise en scène, il y avait une certaine fascination dans cette idée de répétition et chaîne de mouvements, mais l’essai, plus expérimental, à défaut de permettre d’admirer les interprètes, n’était pas le plus impressionnant. Toutefois, parce qu’elle date de 1970 mais semble particulièrement contemporaine, elle a sans conteste réitérée le côté fort avant-gardiste d’Alvin Ailey.

Par la suite, c’est un feu roulant d’œuvres époustouflantes qui a défilé. D’abord, les deux solos «In/Side» et «Takademe» en ont mis plein la vue. Le premier, romantique et sensuel, s’exécutait sur la langoureuse chanson Wild is the Wind de Nina Simone. Avec quelques mouvements qui ressortaient du lot, profiter du rythme plutôt calme de la pièce, elle permettait à Yannick Lebrun de livrer un hymne romantique dansé. Alors qu’à son opposé, Renaldo Gardney s’élançait avec humour et maîtrise sur la voix déconstruite de Sheila Chandra qui débitait des bruits et des sons surprenants avec sa bouche, en parfaite coordination avec les mouvements de la chorégraphie. Deux jeux de corps d’une belle puissance avec des interprètes au charisme indéniable leur donnant la présence d’une troupe à eux seuls, nous forçant sans mal à y river nos yeux sans être capable d’en détourner le regard.

Sans être le calme avant la tempête ou le numéro le plus attendu, «The Hunt» pétaradait avec force. Rythmé intensivement grâce à plusieurs pièces interprétées par Les tambours du Bronx, uniquement en percussions ou presque, toute la partie masculine de la troupe s’exécutait à son plein potentiel à grandes sueurs pour imager une violence extériorisée, et ce, à en perdre haleine, sans temps morts. Seul, en groupe ou à deux, mimant la détonation d’un fusil, s’agrippant à leurs partenaires ou s’élançant simplement avec ce dernier, ils ont fait preuve d’une forme étonnante qui s’alliait à leur endurance, vêtus seulement d’un genre de longue jupe-pantalon-découvert ondoyant au fil de leurs mouvements. La finale de cet acte sur la pièce «Black Bull» était particulièrement intense et hypnotisante.

Enfin, classique des classiques, datant de 1960, «Revelations» a été présenté. Costumes, décors, accessoires, passant des champs de labeur à une soirée mondaine, sans oublier un mémorable par le segment Wade in the Water avec deux longs draps qui ondulaient dans le fond, il fallait admettre que malgré les années, cette œuvre puissante, à tendance religieuse à cause des chansons tendant au gospel ou au chant très choral, n’avaient pas vieilli d’une miette. Certes, on a fait des arrangements, mais en soit, le modernisme évident d’Alvin Ailey se faisait grandement sentir, laissant admirer une vision surprenante de cette semi-odyssée évoquant de grandes fresques telles que Gone with The Wind. Du coup, du tout début jusqu’à la finale sur l’irrésistible chanson «Rocka My Soul in the Bosom of Abraham», c’était une véritable séduction qui opérait sur scène. Et la preuve formelle que ce classique avait toutes les raisons d’en être un.

Ainsi, l’affection pour la troupe est palpable. Les applaudissements et les cris ont été fort nombreux durant toute la représentation et le public de la Place des Arts en entier ou presque s’est levé à la toute fin pour une ovation bien méritée. Il ne faut donc pas se méprendre si la troupe a refait un tour en ville, c’est décidément à marquer comme étant un événement à ne pas manquer. L’excellence des danseurs, leur dévotion et leur perfection ne faisaient qu’honneur à l’ingéniosité aussi subtile qu’impressionnante des chorégraphies.

Appréciation: ****

Crédit photo: www.infozine.com

Écrit par: Jim Chartrand

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