ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : François Laplante Delagrave
D’abord comédienne, autrice et script-éditrice, Natalie Lecompte signe ici sa troisième mise en scène de Revue et corrigée, soulignant du même coup sa onzième participation à ce classique de l’avent.
Pour ce faire, elle s’est entourée d’une équipe d’infaillibles interprètes qui relèvent haut la main les défis de caricatures et de chansons.
Un départ en force signé… Véronique Claveau!
Le coup d’envoi est donné par la prestation musicale de la sublime Véronique Claveau, qui incarne ici Charlotte Cardin, la coqueluche de l’heure.
Sans temps morts, les numéros d’imitations et les chorégraphies se succèdent et récoltent leurs lots de rires espérés.
Nos vedettes québécoises passent ainsi sous les projecteurs les unes après les autres. Il y a de ces incontournables que la caricature ne peut épargner, dont l’animatrice Julie Snyder! Cette dernière est interprétée dans toute son exubérance par l’acteur Marc St-Martin au sein d’un sketch où l’animatrice reçoit sur son plateau une comédienne que l’on qualifie (trop) souvent d’intense: une Anne Dorval survoltée et pastichée par… Véronique Claveau!
Certaines personnalités publiques ont même droit à leurs caméos, notamment Nicola Ciccone, avec sa chanson «G.A.F.A», qui lui a valu d’être la risée de quelques humoristes cette année. Benoit Paquette se paie d’ailleurs sa tête à trois reprises durant le spectacle, enchaînant les énumérations de commerces: Rona, Home Depot, Home Hardware… à l’image de l’acronyme qui donne le titre à sa chanson.
Parce qu’on ne peut échapper à la COVID-19…
Bien sûr, les scripteur.se.s ne pouvaient éviter le sujet de l’heure qu’est la pandémie et tous ses «dommages collatéraux»: les anti-vaccins, les complotistes (un fléau brillamment expliqué par un Charles Tisseyre joué par Benoit Paquette), ou encore la pénurie de main-d’œuvre.
Ce dernier thème, présenté lors d’un court numéro où un employeur est prêt à embaucher la première recrue trouvée, n’a toutefois pas été le clou du spectacle.
Par ailleurs, d’autres sketchs manquaient également de substance ou n’effleuraient que de loin l’actualité, notamment les sujets politiques, comme l’allusion aux élections fédérales avec Justin Trudeau et Sophie Grégoire, et ce, à travers une seule petite chanson.
La fausse victoire de Marie-Josée Savard, déclarée mairesse de Québec par erreur, est quant à elle illustrée par une célébration de sa réussite un bref instant tout juste avant qu’on ne la sorte de scène.
Ce sont là deux clins d’œil qui ressemblent plus à une check list d’événements qui se devaient d’être mentionnés qu’à de véritables numéros en soi.
Cependant, la course à la chefferie de Denis Coderre a été intelligemment soulignée. Marc St-Martin incarne le «nouveau» Coderre, alors que Tommy Joubert (une nouvelle recrue) campe l’ancien. À coup de feux roulants de gags, les deux Denis se challengent, batterie et baguettes à l’appui.
Le départ du maire sortant Régis Labeaume, à Québec, s’avère un numéro tout aussi étoffé. Ce dernier est entouré de danseurs costumés à l’effigie du Bonhomme Carnaval qui exécutent une jolie chorégraphie visant à insuffler une bonne dose d’énergie contagieuse au public.
Une nouvelle recrue qu’on aimerait bien revoir: Joëlle Lanctôt
Vous avez pu l’admirer notamment au sein des comédies musicales Grease et Mary Poppins, dans laquelle elle a incarné le rôle-titre: il s’agit de la talentueuse Joëlle Lanctôt.
Dans Revue et corrigée, elle interprète impeccablement la sexologue Louise Sigouin de l’émission Si on s’aimait, avec ses manies, ses tics et ses intonations de voix. Dans ce numéro, elle tentera de réconcilier Gabriel Nadeau-Dubois (Marc St-Martin) et le premier ministre François Legault (Benoit Paquette)!
La comédienne apparaît également dans un deuxième numéro où ses «patients», Patrick Roy et Mario Tremblay, auraient toutefois pu céder leurs places à d’autres personnalités publiques plus actuelles…
Pensez à la publicité d’Uber Eats: il n’y a aucune valeur ajoutée à reprendre un gag déjà existant.
Mes coups de cœur
Rassemblez Joëlle Lanctôt et Véronique Claveau, deux comédiennes à la voix puissante, puis demandez-leur de camper respectivement Aline et Céline. Et que le combat des chanteuses commence… pour notre plus grand ravissement!
Eh oui, la controverse autour du film Aline, réalisé par la Française Valérie Lemercier, qui interprète également le rôle principal, ne pouvait passer inaperçue.
Et l’équipe de scripteur.se.s (Caroline Allard, Nicolas Forget, Simon Laroche, Luc Michaud, Dominic Quarré, Annie-Claude St-Pierre) l’ont admirablement bien illustrée avec cette confrontation entre l’actrice et la star internationale.
Résultat? C’est du bonbon! Tommy Joubert en Maman Dion nous laisse bouche bée. Vraiment, il s’agit là de l’un des meilleurs numéros du spectacle!
Une revue de l’année ingénieuse et sensible
Il y a des sujets plus délicats dont on ne peut rire. Mais les ignorer serait d’une hypocrisie sans nom. Alors, comment aborder les pensionnats autochtones? C’est simple: on demande à une icône du paysage culturel québécois de nous raconter, dans ses mots et avec sa poésie florissante, les atrocités qui sont trop longtemps restées enterrées.
Benoit Paquette incarne ainsi le conteur Fred Pellerin à la perfection. Son accent et ses mouvements sont hallucinants! Dans la pénombre d’un ciel étoilé, dans le calme plat d’une nuit sans remous, cet autre Fred nous transporte avec candeur et sensibilité.
Même qu’il nous fait vivre un moment touchant qui vous fera peut-être verser une larme!
En somme, cette revue de l’année «survolte» peut-être 2021, mais elle s’avère un baume sur les derniers mois plus pénibles qu’on a vécus. Le Théâtre du Rideau Vert nous offre un moment de pur divertissement qui nous fait oublier nos tracas quotidiens.
Je vous le dis, l’énergie des interprètes est contagieuse, et 2021 revue et corrigée est définitivement le premier de vos partys des fêtes à ne pas manquer!
Pour ma part, c’était ma première expérience, et je compte bien assister aux prochaines éditions.
Longue vie à Revue et corrigée!
«2021 revue et corrigée» en images
Par François Laplante Delagrave
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