ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Marie-Claude Lapointe
C’est dans l’antre festif du Café Campus que Philippe Lemieux, acteur et producteur de la pièce, a décidé, cette année, de présenter la onzième édition de son déconcertant «Salut 2017!» sous le signe de la culture du viol et de la langue, ainsi que des faux pas de Donald Trump. Presque à la façon d’une troupe nomade, les artisans du show se déplacent depuis plusieurs années de salle en salle pour éduquer et désamorcer les armes de tous ceux qui aimeraient bien rire au deuxième degré.
Oui, rire au deuxième degré, voire au troisième, ça fait du bien. D’ailleurs, comme Philippe Lemieux l’a bien souligné lors de son entrevue avec Bible urbaine, puisqu’ils ne sont pas financés par une boîte de production, la seule censure qui existe dans le spectacle, c’est l’autocensure. Cette autocensure leur offre un plus grand terrain de jeu, sans quoi leur sketch de la voix, mettant au-devant de la scène un Kim Jong-un et un Donald Trump caressant de façon subjective chacun leur obus, n’aurait probablement pas vu le jour sous cet angle-là.
C’est une tâche ardue que celui de mettre en scène les évènements marquants d’une année sans tomber dans le piège de la répétition banale et bien cuite. La révision des textes doit se faire jusqu’à la toute dernière minute! Ainsi, une marge de manoeuvre est possible pour permettre l’ajout de faits importants de dernière minute. C’est d’ailleurs grâce à cette latitude (presque obligatoire quand on revisite des sujets d’actualités) que la présentation a commencé avec un glorieux «bonjour/hi» et que la troupe nous a présenté un hommage à Patrick Bourgeois, le chanteur des BB décédé il y a à peine deux semaines.
À la façon d’une comédie musicale, la troupe a revisité des classiques forts à l’aide d’un choeur tricoté au quart de tour. Passant d’une imitation à une autre, les rires se sont imbriqués pendant plus de deux heures.
Il y a eu l’imitation de Trump, toute en mimiques, lequel était personnifié par l’acteur Alexis Gareau avec l’aide de Gabrielle Fontaine et de Lilà Paquette-Mourmant en guise d’épaules (oui, ils étaient trois dans ce costume), histoire d’exagérer la prestance ridicule du président américain, puis celle inévitable de la nouvelle mairesse Valérie Plante, incarnée par l’actrice Lilà Paquette-Mourmant, qui n’avait que de bons mots et de rires esclaffés pour la défaite de Denis Coderre personnifié par Pier-Anne Cloutier.
Le public s’est aussi régalé d’un long sketch sur la tension existante entre le Parti québécois, Québec solidaire et l’esseulé mais pas échevelé Option nationale. Jean-François Lizé, personnifié par l’acteur Guillaume Regaudie, se perdait bien dans ses textes trop longs, voire presque insipides, et devait bien s’avouer écrasé et mordu aux doigts par la nouvelle vague naissante d’un Gabriel Nadeau-Dubois encore aux couches.
C’est dans un décor minimaliste cosmopolite qu’ont passé des numéros intéressants comme celui d’Éric Salvail et son envie irrésistible de nudisme spontané, puis celui, chanté, de Justin Trudeau «juste un trou d’eau», et même un sur la grande roue dans le Vieux-Port de Montréal, qui aide les gens de Québec à «enfin de sentir plus haut que Montréal». C’est environ une vingtaine de sketchs qui ont défilé devant nos yeux. D’ailleurs, chapeau aux imitations à s’y méprendre de Boucar Diouf et du personnage mythique de Sol de Marc Favreau.
Au final, la production mise sur la vulgarisation des moments-chocs qui ont façonné notre actualité de 2017. Tombant quelquefois dans le piège de l’immaturité débridée, deux ou trois numéros, tels que celui sur Omar Kadhr, l’enfant soldat emprisonné au camp de Guantánamo, ou bien celui mettant au-devant de la scène la député libérale Mélanie Joly et son éternelle réputation de ne pas être le «pogo le plus dégelé de la boîte», auraient pu être peaufinés davantage pour leur permettre d’atteindre ce troisième degré si bien touché par d’autres.
Mais, quoi qu’il en soit, l’humour n’a pas de limite quand on parle de goût et, qu’on veuille l’ignorer ou non, ça reste notre actualité. Il faut parfois la tourner au ridicule pour faire naître des opinions engageant un changement.
«Salut 2017! Cabaret politique et bouffonneries» est présenté tout le mois de décembre à différents endroits au Québec. La troupe sera à l’Alizé de Mascouche les 16 et 17 décembre, puis reviendra à Montréal au Café Campus les 27 et 28 décembre pour finir leur tournée salée les 29 et 30 décembre au Petit-Champlain de Québec. Les billets sont disponibles au www.lepointdevente.com.
L'événement en photos
Par Marie-Claude Lapointe
L'avis
de la rédaction