ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Nicola-Frank Vachon
«Lentement la beauté, c’est une espèce d’antidote à la frénésie de la vie; il y a quelque chose du parcours initiatique. Ça peut être salvateur, même, pour certaines personnes qui seraient dans une zone de turbulence semblable à celle de M. L’Homme.» – Hugues Frenette
M. L’Homme: symbole anonyme auquel tout le monde peut s’identifier
L’histoire de Lentement la beauté est, somme toute, assez facile à comprendre. Le personnage principal est dans la mi-quarantaine et sent que quelque chose ne tourne pas rond, sans vraiment mettre un mot sur ce drôle d’état et les sensations qu’il ressent. Le déclic, c’est une paire de billets qu’il gagne un jour au travail pour aller voir Les trois sœurs de Tchékhov au théâtre. C’est une première pour lui, il n’a jamais eu l’occasion d’aller voir une pièce.
Ainsi, par la force des choses, il doit s’y rendre tout seul et il en ressort transformé. «Sa vision des choses va bifurquer; il est soudainement plus attentif à certains détails autour de lui», explique Hugues. «Par moments, dans des scènes très quotidiennes, il s’évade et revoit des extraits de la pièce qu’il a vue. Devant la trivialité du monde qui l’entoure, il a du mal à comprendre ce qu’il lui arrive; alors il s’éloigne tranquillement de sa famille, de ses amis. Il a l’impression de souffrir un peu d’incompréhension par rapport à ce qu’il traverse.»
Ce fameux personnage porte le nom très impersonnel de M. L’Homme, et ce n’est pas un hasard: «On l’a volontairement rendu anonyme avec le nom de M. L’Homme. On ne voulait pas le personnifier pour faire en sorte que le plus grand nombre de spectateurs possible puisse s’identifier à lui; et c’est l’une des grandes forces de ce texte.»
Passer d’un personnage à l’autre
Fait amusant, le comédien Hugues Frenette, co-auteur du texte, était déjà monté sur scène il y a une quinzaine d’années quand Lentement la beauté avait été présentée pour la première fois. À l’époque, il avait incarné le fils de M. L’Homme. Cette fois-ci, il est devenu le père.
Même chose pour l’actrice Véronika Makdissi-Warren, qui incarnait la fille de M. L’Homme initialement, et qui, maintenant, joue sa femme. «C’est très particulier de pouvoir passer à travers les générations dans une même pièce; c’est la première fois que je vis ça! Autant j’admirais le travail qu’avait fait Jack Robitaille avec ce rôle-là, autant je comprends aujourd’hui par où il est passé, et je trouve ça magnifique de pouvoir rechausser ses souliers après avoir été, à travers un petit rôle, spectateur de son cheminement dans l’incarnation de ce personnage. C’est une chance, un beau cadeau de pouvoir rejouer cette pièce!»
Et justement, ce rôle de M. L’Homme semble être assez unique à endosser. Jack Robitaille, quinze ans plus tôt, avait laissé entendre que c’était un personnage qu’il fallait «laisser aller», termes qui avaient intrigué Hugues Frenette. Mais il semblerait qu’après avoir lui-même apprivoisé ce personnage, le comédien saisisse mieux les propos de Robitaille.
«C’est vrai qu’il y a quelque chose de l’ordre de la formule magique ou de l’incantation quand on endosse ce personnage. Il existe en lui-même; il s’agit juste d’être présent et à l’écoute de ses partenaires, et tout découle naturellement. Toutes les situations dans lesquelles M. L’Homme passe viennent naturellement se coller à lui. C’est facile à incarner comme rôle, son parcours psychologique est cohérent et pertinent. C’est un témoignage assez émotif de la nature humaine.»
Du théâtre réaliste à la mise en scène onirique
Selon Hugues Frenette, Lentement la beauté est un théâtre très réaliste; ce sont des touches de mise en scène qui viennent donner cet aspect très onirique et qui décrivent l’expérience de M. L’Homme. «Quand on a créé le texte, on ignorait tout cet aspect-là. C’est un peu quelque chose d’accidentel; on s’est mis à improviser autour d’un sujet, de nos quotidiens respectifs. On a construit l’histoire de façon spontanée en travaillant en comité et, au fil des premières représentations, on s’est rendu compte de la machinerie qu’on avait réussi à mettre en place. C’est très efficace, ça plaît à un certain nombre de spectateurs, et c’est un objet unique dont on est assez fiers.»
Du fait que l’équipe est soudée et habituée à travailler ensemble, la connexion est naturelle entre les différents intervenants. Hugues explique qu’avec le metteur en scène Michel Nadeau, ils n’ont même pas besoin de se parler pour se comprendre. Et cette complicité transparaît lorsqu’il parle de lui et de son travail.
«Michel, c’est un metteur en scène qui adore le plaisir du jeu de l’acteur. Son bonheur ultime, c’est de voir une gang d’acteurs s’amuser sur scène. Toutes les répétitions se sont passées dans cet esprit ludique de découverte et de (re)découverte. Il est sensible, impressionniste dans sa mise en scène. C’est toujours un bonheur de travailler avec lui», conclut-il.
La pièce Lentement la beauté de l’auteur et metteur en scène Michel Nadeau est présentée à La Bordée du 17 septembre au 2 octobre. Retrouvez sur scène Hugues Frenette et ses complices Claude Breton-Potvin, Charles-Étienne Beaulne, Véronika Makdissi-Warren, Marc-Antoine Marceau et Nathalie Séguin. Pour acheter vos billets, visitez le www.bordee.qc.ca/lentement-la-beaute.
*Cet article a été produit en collaboration avec Théâtre La Bordée.
Les répétitions de «Lentement la beauté»
Par Nicola Frank-Vachon; Julie Artacho