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Crédit photo : Mathieu Pothier
Xela Edna: une vitrine d’exception pour un duo of Montreal
J’ai fait exprès d’arriver à l’ouverture d’Osheaga, à 14 h tapantes donc, pour être sûr d’attraper au vif sur la Scène de l’île une formation montréalaise qui avait piqué ma curiosité lors de leur passage aux Francouvertes en 2022: Xela Edna.
Ce duo électro expérimental, composé de la chanteuse Alexandrine Morin – qui a d’ailleurs prêté sa voix éthérée sur un «super» featuring avec Super Plage sur «Vagues» – et du compositeur Eius Echo, diplômé en électroacoustique à Concordia et musicien prolifique à ses heures, ainsi que de deux musiciens en live (un guitariste et une violoncelliste), offre une rare musique électronique en français – ce que je salue bien bas à l’heure où la langue française s’effrite dans une métropole comme Montréal.
J’avais dans l’idée de me frayer un chemin jusqu’au-devant de la scène, tellement il y avait peu de festivaliers arrivés, sauf que la chanteuse m’a devancé: «Rapprochez-vous, ça va me donner de l’énergie!»
C’est que c’était leur toute première expérience à Osheaga, autant comme artiste que comme festivalier. Une vitrine exceptionnelle, on s’entend.
Si vous effectuez une recherche éclair sur Spotify, vous verrez qu’ils ont plusieurs singles et EP en banque. Et lors d’une écoute attentive, vous remarquerez, comme moi, que leur son s’est raffiné. Aujourd’hui, l’orchestration a pris une coche, notamment avec l’ajout d’un violoncelle et de sonorités électro plus sophistiquées, comme en fait foi le titre récent «Ozone», qu’ils ont joué hier.
Autrement, la formation a offert «Flash», au moment où les rayons du soleil perçaient les nuages, «Pas très perspicace», que la chanteuse a dédié à tous ces alcooliques qui courent les rues, «faites attention à vous!», a-t-elle ajouté, puis «Indigeste», où les festivaliers ont sauté en rythme au son d’un refrain hyper catchy.
«Vous êtes beaux», a lancé Xela Edna tout sourire. Un compliment comme celui-là, ça se prend bien! On vous renvoie la pareille les amis.
Dope Lemon: un rock bluesy et psychédélique bien vitaminé
Je me confesse: avant de partir en direction du Parc Jean-Drapeau hier midi, j’ignorais totalement que la formation Dope Lemon était celle d’Angus Stone, l’une des moitiés du génialissime tandem australien Angus & Julia Stone!
Mais cette fois, Angus fait un pied de nez à ce folk qui a fait sa renommée pour jouer au cœur d’un quatuor 100% masculin où il gâte le fan de rock bluesy en lui.
Angus Stone a fait son entrée sur la Scène de la Rivière à la suite de ses musiciens, arborant un look frais où il était quasi méconnaissable: cheveux courts, marinière rouge et noire, sur laquelle il avait enfilé un chic complet bleu marine, et il avait des bagues proéminentes aux doigts. Ses trois comparses, pour leur part, étaient tous vêtus d’un complet rouge vin.
Le band a offert, sur fond de projections psychédéliques où on pouvait apercevoir, entre autres, des tigres avec des chapeaux de sorcières – juste ça – plusieurs chansons pigées çà et là au sein de leur répertoire, dont «Marinade», «Hey You» et «Miami Baby», une nouvelle pépite.
Malgré un petit cinq minutes de retard, après tout, l’Australie ce n’est pas la porte d’à côté!, les messieurs ont livré un agréable concert, sans grandes variations cependant, mais qui s’inscrivait bien dans la programmation d’un festival mixte comme Osheaga.
Holly Humberstone: du rock british soft pour les fans de Phoebe Bridgers
Je n’ai eu que quelques pas à parcourir pour me rendre au-devant de la Scène de la Montagne, annexée à celle de la Rivière, pour assister au concert de la Britannique Holly Humberstone, une auteure-compositrice-interprète qui offre un rock qui plairait assurément aux fans de Phoebe Bridgers.
Celle qui a bénéficié d’une belle vitrine en remportant le Brit Award for Rising Star aux Brit Awards 2022 semblait d’excellente humeur et surtout très heureuse d’être à Osheaga. La jeune Anglaise est d’ailleurs arrivée sur scène tout sourire, en compagnie d’une batteuse et d’un bassiste-arrangeur.
Et même si son set a été écourté d’une chanson – peut-être est-ce la faute de M. Stone? Eh lala! – j’ai passé un très bon moment en sa compagnie.
Forte d’une valise pleine de mélodies rock à la fois douces et émotives, Holly Humberstone a présenté, lors de sa prestation, un savant tour d’horizon de sa jeune carrière, en puisant généreusement au sein de son album de 2022, Can You Afford to Lose Me?, spécialement les pièces «The Walls Are Way Too Thin», «Overkill», «Falling Asleep at the Wheel», de même que «Scarlett», comme note finale.
Et on a même eu droit à «Antichrist», une chanson plus récente qui a déjà accumulé près de deux millions de streams sur Spotify. Récente ou pas: ses fans connaissaient déjà les paroles!
En tout cas, si des artistes comme Damien Rice ou Haim ne vous laisse pas indifférent ∙e, je parie que le rock british de Holly Humberstone vous fera de l’œil.
Soccer Mommy, ou quand la meilleure pièce du lot est un cover
Dès que Holly Humberstone nous a dit au revoir au son d’un «So much love!» bien senti, je suis revenu sur mes pas du côté de la Scène de la Rivière pour voir de quel bois se chauffe Soccer Mommy, alias Sophie Allison.
Oups! Je m’attendais à davantage de mordant pour une rockeuse de Nashville.
C’est plutôt une chanteuse-guitariste peu bavarde et très «dans sa bulle» qui s’est offerte à nous, balançant ses titres les uns après les autres avec un simple «Thank you» afin de marquer les transitions. Et elle accordait sans arrêt sa guitare aussi, comme pour combler le vide.
J’ai trouvé, globalement, que son chant manquait de vitalité, que sa présence manquait d’ancrage et de connexion avec la foule, et à part la pièce «Shotgun», où Soccer Mommy semblait enfin être sortie de sa torpeur, je n’ai pas réellement retenu d’autres pièces qui ont attiré mon attention.
Ah, si! «Soak Up the Sun», sa chanson ensoleillée préférée, comme elle l’a confié, qui s’est avérée, à mon humble avis, la meilleure de tout son set. Ai-je dit, toutefois, que c’était une reprise de Sheryl Crow?
Mindflip: de Gatineau aux palmarès Spotify
En parallèle du spectacle de Soccer Mommy durant lequel Éric attendait vainement un moment fort, à l’autre bout du site, sur la fort lointaine Scène de la Vallée se produisait Mindflip, un rappeur gatinois qui était encore pour moi un parfait inconnu. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que certaines de ses chansons, comme «Run My Shit», ont figuré aux côtés de celles de Doja Cat et de Justin Bieber sur Spotify. Rien de moins!
Fervente de surprises musicales, j’ai donc bravé deux ponts, une faune dense et colorée, des escaliers, un kiosque de glitters, des cabines à compliments, de même qu’un vaste terrain marécageux pour me rendre sur le lieu de son spectacle.
Sur scène, Simon Béland, de son vrai nom, se tenait en toute simplicité, accompagné de son DJ avec lequel il a entonné entre autres «Never Let You Down» et «Rise up», du old school hip-hop très solide.
Au moment où je me faisais la réflexion que sa voix se faisait un peu enterrer par sa musique, Mindflip a adressé le problème à la fin de sa pièce, demandant un ajustement. Que cet ajustement ait eu lieu ou non, je n’ai que très peu remarqué la différence, qui aurait pu amener la connexion avec son public à un niveau supérieur.
N’empêche que ça se faisait aller les bras sur le parterre, et pas juste quand les gicleurs venaient rafraîchir la foule qui cuisait sous le soleil de plomb de 16 h!
La musique de Mindflip fait preuve d’une maturité et d’une richesse de composition qui ne se retrouvent pas à tous les coins de rue.
Two Feet: la perle cachée de la programmation du vendredi
S’il y avait bien un artiste pour me faire repartir du Parc Jean-Drapeau avec un rythme en tête, c’est Two Feet, Zachary William Dess de son vrai nom, un auteur-compositeur, arrangeur et doué guitariste originaire de Brooklyn.
Pour la petite anecdote, c’est celui qu’on surnomme King of Sex Playlists, car sa musique est bien connue pour donner des envies coquines aux amoureux. Il s’est d’ailleurs déjà fait proposer un généreux cachet de 30 000 $ pour offrir un concert privé à une femme et son fiancé. L’histoire ne dit pas s’il a accepté la proposition…
Signé chez Republic suite au succès viral de «Go Fuck Yourself», pièce maîtresse de sa discographie qu’il a présentée en conclusion de son set, Two Feet jouit d’un succès qu’il doit en grande partie à TikTok. Depuis sa montée fulgurante dans les nuages, il semble y être resté, fort de quatre albums depuis 2018.
Même si le sol de la Scène de la Vallée, adjacente à la Scène verte, était tout boueux – les festivaliers tentaient de mettre les pieds sur de rares espaces gazonnés, en vain – cela n’a pas empêché l’artiste d’avoir une foule immense à ses pieds.
Reconnaissant, il a joué en retour ses gros hits, «I Feel Like I’m Drowning», une pièce qu’il a écrite en trois minutes avec le sentiment d’avoir vécu une «really bad relationship», «Love is a Bitch», «You?», et aussi «BBY», rythmée par un gros beat et des lumières stroboscopiques qui décuplaient l’effet de plaisir.
Un incontournable pour tous ceux et celles qui souhaitent élargir leurs horizons.
L’impératrice: du Nu-disco à tout casser devant une foule un peu bruyante
Tandis qu’Éric vibrait aux grosses basses et aux stroboscopes de Two Feet, je me suis faufilée de peine et de misère sur la Scène Verte, juste à côté, pour me trouver une place de choix pour L’impératrice, dont la musique Nu-disco joue (presque) toujours en boucle chez moi.
La foule était déjà très dense: était-ce des gens venus spécialement pour L’impératrice, ou cherchaient-ils à assister, un peu de travers, au spectacle de Two Feet? L’histoire ne le dit pas, mais la foule ne s’est pas dissipée pour autant lors de l’arrivée du sextuor d’origine française.
Tous vêtus de turquoise et de blanc, et arborant un cœur lumineux sur le torse, les membres se sont présentés sur scène pour faire groover les festivaliers et festivalières. Malgré un départ un peu timide sur une foule parfois plus occupée à festoyer entre eux qu’à prêter attention à la musique, l’ambiance a toutefois changé après le titre «Vacances», qui s’est terminé sur un solide solo de basse de David Gaugué, qui teinte presque à lui seul le son du groupe.
L’impératrice a ensuite semblé (enfin) prendre vie lors du gros jam durant «Voodoo?», qui s’est enchaîné à merveille avec leur reprise d’Hypnolove, «Piscine», où l’ambiance tropicale seyait parfaitement à la météo de la journée. Car il faut le dire, vendredi à Osheaga, Dame nature a collaboré et nous a offert une de ces températures estivales qui nous font dire: «C’est dont beau Montréal, l’été!»
«Vanille fraise» et «Agitations tropicales» ont tôt fait de faire danser la foule, sur une performance réfléchie et très esthétique, prouvant que le sextuor a à cœur la qualité de leurs spectacles.
Mêlez ça au plaisir contagieux du groupe à se livrer sur scène, et on a un spectacle presque parfait, quand les spectateurs ne sont pas trop occupés à jaser entre eux…
The Flaming Lips: les rois du rock alternatif et des pink robots
À 19 h 20 tapantes, le groupe de rock alternatif The Flaming Lips, originaire d’Oklahoma City, a foulé les planches de la Scène de la Rivière. Étant aux prises dans une longue file pour faire le plein d’énergie (d’un excellent riz frit du Red Tiger, soit dit en passant) entre deux shows, j’ai entendu de loin «Fight Test» et «One More Robot». J’ai, à mon grand désarroi, raté l’arrivée extravagante du chanteur Wayne Coyne dans sa fameuse bulle de plastique à l’intérieur de laquelle il «marchait» au-dessus du public.
De loin, les arrangements psychédéliques sonnaient déjà comme de la bombe, et j’ai tôt fait de rejoindre la foule pour voir de mes propres yeux le calibre des performances des Flaming Lips. J’avais eu vent de leurs spectacles enflammés, et je n’ai pas été déçue!
Tantôt dans une bulle de plastique, tantôt vêtu d’une jaquette de WonderWoman, le chanteur de 62 ans était en pleine forme, tout comme son band, alors qu’ils ont enchaîné plusieurs pièces de leur album de 2002 Yoshimi Battles the Pink Robots.
«Do you Realize» a été particulière marquante après qu’elle ait été introduite par Wayne Coyne sous un arc-en-ciel gonflable. Il s’est alors exclamé à la foule: “Let the people know how much you love them”, sous une pluie de confettis.
Les accessoires s’enchaînaient sans arrêt: de l’arc-en-ciel gonflable à la boule disco géante, aux lettres «FUCK YEAH OSHEAGA» en ballons gonflables jetés dans la foule, aux robots roses géants, et j’en passe.
Le spectacle s’est terminé en force sur «Approaching Pavonis Mons by Balloon», avec un solo de trompette. The Flaming Lips a été la petite cerise rock sur le sundae, à la différence de la vague électro-pop qui s’en venait pour le reste de la soirée.
Charlotte Cardin: toujours aussi glorieuse
Place à celle qui remplaçait Aya Nakamura sur la Scène de la Montagne: nulle autre que notre chère Charlotte Cardin, qui n’est pas à sa première performance à Osheaga. Fidèle à son habitude, elle s’est montrée à la hauteur dès les premières notes de «Looping», sur laquelle elle a fait valoir des mouvements de danse bien lascifs. Elle a enchaîné avec «Meaningless», durant laquelle la foule s’est époumonée comme s’il n’y avait pas de lendemain.
L’auteure-compositrice-interprète nous a aussi réservé un moment plus intime lors de «Phoenix» ainsi que la très touchante «Anyone Who Loves Me», toutes deux interprétées en solo au piano, devant une foule pendue à ses lèvres.
Cardin a aussi présenté une nouvelle pièce co-écrite aux côtés de Patrick Watson, «Next To You», dont elle dit être l’une de ses préférées jamais écrite.
Elle a ensuite fait place à un moment plus dansant avec «Jim Carrey», «Someone I Could Love», «Daddy» et «Sex To Me». Ce segment plus groovy, adoptant presque des allures rock à certains moments, a dévoilé un aspect musical plus complet au sein de l’œuvre de Cardin, où le talent de son band est également mis de l’avant.
Talentueuse à plusieurs niveaux, Charlotte Cardin est une valeur sûre et a été un plan B qui a fait plusieurs heureux et heureuses, moi y compris!
Rüfüs Du Sol, ou l’art de suspendre le temps
La première soirée d’Osheaga s’est terminée en grand avec Rüfüs Du Sol, un groupe electronica-dance originaire de Sydney. Le trio avait l’air franchement heureux de sa présence au festival cette année. Après tout, c’est un bel honneur que d’être une tête d’affiche d’Osheaga aux côtés de Kendrick Lamar et de Billie Eilish!
On repense à leur passage en 2016, alors que Radiohead était la tête d’affiche… ils en ont fait du chemin depuis!
Le spectacle a commencé en force avec «Eyes» et «You Were Right». Et ça na pas pris trop de temps avant de comprendre de quel bois Rüfüs Du Sol se chauffe! Le chanteur Tyrone Lindqvist a demandé: «Are you ready to dance?» dès la troisième chanson à une foule déjà immense et compacte.
La foule était réceptive à chacune des vibrations de la colossale basse qui émanaient des instruments du trio australien, et les premières notes d’«On My Knees» ont annoncé une fin de soirée puissante et particulièrement dansante.
Le groupe n’avait aucun mal à faire durer ses chansons, et le spectacle s’est d’ailleurs enchaîné à merveille avec un pacing excellent où le temps était comme…suspendu.
Rüfüs Du Sol a réussi à créer une bulle de plusieurs dizaines de milliers de festivaliers pour qui, durant la bonne heure et demie que durait leur performance, plus rien d’autre n’existait. Gros jeux de lumière, qualité sonore et vocale, confettis, tout y était.
Rüfüs Du Sol est un groupe de peu de mots. Les membres, bien installés derrière leurs instruments respectifs, font aller leur magie et leur musique parle d’elle-même. Et quand Tyrone prend la parole, ce n’est pas pour faire du small talk. «Montréal est l’une de nos villes préférées où jouer. C’est une ville qui a un sens aigu de la culture et de la musique», a-t-il déclaré avant de jouer les premières notes d’«Innerbloom».
Leur performance s’est terminée avec, en rappel, «Treat You Better» et «No Place», lors d’une soirée magique. Comme l’a si bien dit le chanteur du groupe, Osheaga est un festival musical incontournable qui teinte décidément l’été montréalais. Et on a de quoi être fiers d’accueillir de tels artistes dans notre belle métropole.
On a déjà hâte de voir ce que nous réservent les artistes de samedi et de dimanche à Osheaga!
Entendu vendredi à Osheaga:
«Enweille donc!», «enweille donc!»
Criait à tue-tête un festivalier qui tapait dans les mains d’inconnus qu’il croisait comme si la COVID-19 n’avait jamais existé (et n’existait plus du tout).
«Glou, glou, glou!»
C’est le son qu’a produit un spectateur lorsqu’il a bu à grande lampée une gorgée d’une substance liquide inconnue tirée d’un tube de… Vaseline.
«I’ve never seen that happening ever before!»
S’est exclamé un festivalier hautement impressionné, et qui ne devait pas avoir vu beaucoup de spectacles dans sa vie, quand L’impératrice a fait accroupir la foule pour la faire remonter en un saut. (La base, quoi!)
«C’est quoi le trip des Français de chanter ”Allez les bleus” dès qu’ils ont un peu bu?»
Une festivalière en passant près d’un petit groupe de Français sur le party et plutôt bruyants.